1. Recherche et éducation en mathématiques
Voici l’un de ces exercices qui montre comment les auteurs ont forcé le traitement de la transposition didactique afin de pouvoir distinguer les dispositions de chercheur du niveau de simple bon (voire très bon) élève.
1) Soit n un entier non nul, montrer que $n^4 + 2n^3 + 2n^2 + 2n + 1$ ne peut pas être le carré d’un nombre entier.
2) Trouver tous les nombres entiers n non nuls tels que $n^4 + n^3 + n^2 + n + 1$ soit le carré d’un entier.
La première question est à la portée d’un bon élève de seconde bien entraîné aux factorisations :
$n^2(n^2 +2n+1)+n^2 +2n+1=(n+1)^2(n^2 +1)$
et il reste à conclure que cela est un carré si et seulement si $n^2 + 1$ en est un, ce qui n’est jamais réalisé.
La deuxième question est bien plus insidieuse :
La réaction naturelle est d’exploiter la première, soit en appliquant des procédés de factorisation identiques, soit en cherchant à faire apparaître l’expression sur laquelle on a une information.
Le bon élève a érigé cette démarche en "principe" : savoir utiliser les questions précédentes.
Le chercheur procède de même, mais il doit aussi savoir abandonner les pistes conduisant à des impasses et en essayer d’autres. Cette démarche se heurte à deux obstacles énormes dans le contexte de l’école :
- L’élève est évalué sur la base d’une panoplie de "capacités" normalisantes.
- Le temps de l’école est découpé.
Pire même, le jeune élève qui aurait des dispositions pour la recherche sera pénalisé s’il n’est pas capable de gérer ces deux paramètres de façon à assurer sa réussite. Il est alors du domaine de l’enseignant de maîtriser ces situations pour que ces élèves (surdoués) ne pâtissent pas des contraintes de l’école.
Cette réflexion conduit à une critique constructive de la "pédagogie par objectifs".
Revenons donc à cette deuxième question :
Après quelques heures de recherche sur les factorisations diverses et variées, on devrait se résoudre à simuler le calcul à l’aide d’un tableur par exemple. On émettra alors la conjecture que seul $n=3$ donne une solution au problème.
Là encore, une école soucieuse de gérer le temps aurait posé la question : montrer que $n=3$ est la seule solution au problème.
La recherche s’en trouve amputée d’autant, mais quel est donc le rôle de l’école ? Que ses détracteurs commencent par se poser clairement la question !
Donc, une fois identifiée une conjecture, nous disposons de nouveaux outils. Le raisonnement par l’absurde, par exemple, devient "naturel" dans une démarche basée sur la conjecture, alors qu’il reste abstrait dans une démarche scolastique. Attention, cela ne veut pas dire que ce mode de raisonnement n’est pas enseignable, il l’est, mais il figurera dans la panoplie des connaissances de la majorité des élèves dont la réussite n’est pas à remettre en question, à la même place que Marignan 1515.
Terminons maintenant l’exercice :
Si 3 est le seul entier qui répond à la question, on devrait trouver quelque majoration significative des solutions possibles.
On ne tardera pas avec un peu d’astuce à imaginer que $\Big(n^2 + \frac{n}{2} + 1\Big)^2$ est trop grand et que $\Big(n^2 + \frac{n}{2}\Big)^2$ est trop petit. Je pense que l’on devrait rechercher alors des expressions de la forme $\Big(n^2+\frac{n}{2} +a\Big)^2$ avec $0
Alors : $\Big(n^2+\frac{n}{2} +\frac{1}{2}\Big)^2=n^4+n^3+\frac{5}{4} n^2+\frac{n}{2}+\frac{1}{4}$ et donc : $1+n+n^2+n^3+n^4=n^4+n^3+\frac{5}{4}n^2+\frac{n}{2}+\frac{1}{4}$ ce qui conduit à l’équation $n^2-2n-3=0$, dont la seule racine positive est 3. On a bien : $1 + 3 + 3^2 + 3^3 + 3^4 = 11^2$.
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