Héron, et ronds, petits patapons

lundi 13 septembre 2010
par  Alain BUSSER

Belle histoire que celle de l’algorithme de Héron pour calculer des racines carrées : Cas particulier de la méthode de Newton, l’algorithme était sans doute déjà connu des Babyloniens (au moins dans le cas de la racine de 2).

On peut en parler en Seconde. Mais en Première, le langage des suites permet de mieux situer la problématique, et l’algorithme de Héron illustre la notion de convergence des suites, tout en plaçant la notion dans un contexte motivant. Et en bonus, on parle de boucles à condition de sortie...

(photo prise par Marek_Szczepanek sous license CC)

L’algorithme de Héron est utilisé dans les calculatrices, et vraisemblablement aussi dans les ordinateurs, pour calculer les racines carrées. On est donc dans du concret ! Ceci dit, c’est bien joli de sortir de son chapeau une suite qui converge vers $\sqrt{5}$, et qui est définie par $w_{n+1}=\frac{w_n+\frac{5}{w_n}}{2}$, pour calculer une valeur approchée de $\sqrt{5}$ en calculant par exemple $w_{20}$... C’est tout de même mieux de donner un indice, à défaut d’une démonstration, du fait que la suite est convergente, et que sa limite est bien $\sqrt{5}$.

Pour le deuxième point, on peut (sans parler de continuité) faire résoudre l’équation $x=\frac{x+\frac{5}{x}}{2}$. Pour la convergence c’est moins facile (à moins d’utiliser le théorème des accroissements finis...). Pour expliquer de quel chapeau le lapin est sorti, avec deux suites $u_n$ et $v_n$ telles que $u_{n+1}=\frac{u_n+v_n}{2}$ et $v_{n+1}=\frac{5}{u_{n+1}}$ (qui, hélas, ne sont pas adjacentes parce que pas monotones), on peut partir de l’idée que

  • $x\simeq \sqrt{5} \Rightarrow \frac{5}{x}\simeq \sqrt{5}$
  • Si l’une des deux valeurs approchées est par défaut, l’autre l’est par excès et vice-versa.
  • À partir de deux valeurs approchées de $\sqrt{5}$ telles que $x\leqslant \sqrt{5} \leqslant y$, on en construit facilement une meilleure en prenant leur moyenne arithmétique (idée conçue spontanément par plusieurs élèves qui trouvent ça naturel).

On peut envisager de pousser un peu plus loin cette idée en utilisant le caractère multi-agents du logiciel Scratch, et en confiant le calcul de $u_n$ à un lutin (ci-dessous appelé moyenneur puisqu’il calcule une moyenne arithmétique) et le calcul de $v_n$ à un autre lutin (ci-dessous appelé inverseur puisque pour diviser 5 par $u_{n+1}$, on le multiplie par son inverse). Les deux lutins doivent être synchronisés par un "maître", lequel sera incarné par la "scène" de Scratch :

Comme on le voit, son rôle se borne à incarner la boucle. Pour le traitement effectué dans la boucle, il est partagé entre les deux lutins. Le moyenneur calcule des moyennes, quand on (la scène) le lui demande :

Et l’inverseur calcule juste des quotients :

Certes, en simulant du calcul parallèle, on s’éloigne un tantinet de l’algorithmique, mais cette description permet de montrer le fonctionnement de l’algorithme sans avoir à parler de suite. Voici ce que donne l’exécution du script (le moyenneur à gauche, avec deux pinces parce qu’il opère sur deux nombres, et donc l’inverseur à droite, à l’envers comme tout inverseur qui se respecte) :

De même, le traitement simultané des deux suites peut être fait par un logiciel de géométrie dynamique, en représentant simultanément les deux suites par un point (de coordonnées $(u_n ;v_n)$) et en appliquant une dizaine de fois une macro (la convergence est suffisamment rapide pour cela). Voici la version CaRMetal :

En manipulant la figure ci-dessus, on constate que l’algorithme converge vers l’une ou l’autre des deux limites possibles, selon la valeur initiale. On peut parler de bassin d’attraction.

Ceci dit, la suite $w_n$ ci-dessus se prête à une figure dynamique, en remplaçant 5 par un curseur R :

Le CaRScript ayant permis cette construction est sans doute "non exigible" :

u=Point("U0",0,1);
SetFixed(u,true);
for(var n=1;n<21;n++){
    u=Point("U"+n,n,"(y(U"+(n-1)+")+R/y(U"+(n-1)+"))/2");
}

Remarque :

La version "toile d’araignée" n’est pas très pertinente dans le cas présent, la suite converge trop vite pour qu’on ait le temps d’y voir quelque chose...

Avec les exétrons de Python

On peut très bien laisser un exétron (ou thread (informatique)) faire le calcul de la moyenne, et, en même temps (ou presque si on veut la bonne limite), un autre exétron faire la division. On a donc besoin des deux modules threading et time de Python :

from threading import *
import time

r, s = 1.0, 0.0

On en a profité au passage pour initialiser les variables r et s à des valeurs réelles. Pour décrire le fonctionnement du moyenneur, on définit une classe (informatique) héritant de la classe Thread (le moyenneur est un exétron) munie d’une méthode __init__ (création) et d’une méthode run (démarrage). Cette méthode consiste à calculer 8 fois la moyenne de r et s et mettre le résultat dans r (qui doit donc être déclaré comme global) :

class Moyenneur(Thread):
    def __init__(self):
        Thread.__init__(self)
        print "Maintenant on a un moyenneur"
    def run(self):
      global r
      for n in range(8):
          r += s
          r /= 2
          print "Moyenne : ", r
          time.sleep(2)

Après chaque calcul de moyenne, l’exétron entre en hibernation pour laisser à l’inverseur le temps de modifier s : L’inverseur est aussi un exétron qui, après une petite pause (le temps de laisser le moyenneur finir son travail), remplace s par 5/r :

class Inverseur(Thread):
    def __init__(self):
        Thread.__init__(self)
        print "Maintenant on a un inverseur"
    def run(self):
        global s
        for n in range(8):
          time.sleep(1)
          s = 5.0/r
          print "Division : ", s
          time.sleep(1)

Après avoir effectué la division, l’inverseur attend une seconde pour boucler ; ainsi la durée totale d’un passage dans la boucle pour l’inverseur est de 2 secondes, et l’inverseur reste synchrone avec le moyenneur. Pour calculer la racine de 5, il suffit maintenant de

  • créer deux exétrons, l’un de type moyenneur et l’autre de type inverseur ;
  • démarrer les deux exétrons ;
  • regarder ce que ça donne.

Voici le script complet, affiché en couleurs et téléchargeable :

from threading import *
import time

r, s = 1.0, 0.0

class Moyenneur(Thread):
    def __init__(self):
        Thread.__init__(self)
        print "Maintenant on a un moyenneur"
    def run(self):
      global r
      for n in range(8):
          r += s
          r /= 2
          print "Moyenne : ", r
          time.sleep(2)
    		

class Inverseur(Thread):
    def __init__(self):
        Thread.__init__(self)
        print "Maintenant on a un inverseur"
    def run(self):
        global s
        for n in range(8):
          time.sleep(1)
          s = 5.0/r
          print "Division : ", s
          time.sleep(1)
    		

moyenneur = Moyenneur()
inverseur = Inverseur()
moyenneur.start()
inverseur.start()

Il est intéressant de modifier certaines durées et regarder ce que ça donne (et en particulier, pourquoi la mauvaise limite est calculée).


Commentaires

Logo de BILLE
mardi 21 octobre 2014 à 16h57 - par  BILLE

Bonjour,

Voici l’algorithme de calcul de Heron en LOGO entièrement conçu pour la syntaxe française (en couleurs dans l’éditeur du logiciel).
C’est plus lisible que l’organigramme de Scratch et en incitant les élèves à rédiger un texte de résolution, on les rapproche de l’écrit, ce qui est encore mieux. Qu’en pensez-vous ?
Cordialement,
Dominique Bille

/* Calcul de la racine carrée d’un nombre par la méthode de Heron d’Alexandrie :*/
efftxt
ecl [ taper un nombre dans la ligne des consignes : ]
effl
donne "s lisnombre effl
donne "n 10
donne « a :s donne »b 1
répète :n [
donne « a ( :a +:b ) / 2 donne »b :s / :a
ecl ph ph « :a= » :a ph « :b= » :b
]
ecl ph [ valeur moyenne : ] (:a + :b ) / 2

/*
Pour en savoir plus sur cette version du langage LOGO, visitez mon site
en cliquant sur l’adresse http://logoplus.pagesperso-orange.fr

*/