Exemple de schématisation au CP

jeudi 20 juillet 2006
par  Didier BERNOT , Yves MARTIN

Dans cette séance (novembre), on apprend aux élèves à travailler dans un « espace de recherche » et à y faire leurs premières schématisations d’un problème d’arithmétique.

Tchou | Visualisation | Calculs en ligne


Ci-contre, le texte du problème. « Pour aller au bal, une princesse doit préparer un carrosse et cinq chevaux. Trois princesses vont au bal. Combien de carrosses doit-on préparer ? Combien faut-il de chevaux ? »

L’objectif principal est la résolution du problème en utilisant la schématisation. Le choix du nombre de chevaux par princesse (ici 5) est une variable didactique importante. Ce choix permet de tester la relation aux appuis à 5 et l’éventuel engagement dans l’utilisation de la comptine de Tchou.

Programmée à la mi-novembre — toujours dans le CP de Mme Isabelle Payet à l’école Bory-de-Saint-Vincent à La Bretagne — cette activité a permis d’atteindre l’objectif principal pour la majorité des élèves. Cependant l’accès au résultat numérique s’est généralement fait à partir de comptage et de surcomptage. La recherche du résultat numérique exclusivement par des procédures de calcul était prématurée et ne constituait pas l’objectif principal.

Détail des onglets de cette page

Schem1 : Présentation de « l’espace de recherche »
Schem2 : Premiers travaux d’élèves
Schem3 : Bilan des recherches - Proposition d’une autre démarche
Schem4 : L’acte de la schématisation
Schem5 : « Dix et encore cinq ? »
Schem6 : Rencontre entre calcul réfléchi et compétences de schématisation
Schem7 : Autres productions d’élèves

Schem1

Schem1 - Présentation de « l’espace de recherche »

L’extrait est centré sur cette notion, nouvelle pour les élèves, d’un espace de recherche qui leur est propre.
La maîtresse, en présentant l’espace de recherche, établit explicitement une composante du contrat didactique dans le domaine de la résolution de problème. Cet espace appartient à l’enfant. Il peut dessiner, schématiser, écrire, calculer, raturer, recommencer. Pour l’enseignant c’est la trace essentielle des procédures utilisées.

Cette liberté donnée à l’élève pour chercher est une composante importante dans le domaine de la résolution des problèmes. Il est important de l’installer au plus tôt dans la scolarité.

L’espace de recherche - 1 min 32 s


Le choix de poser une question préalable (nombre de carrosses), à laquelle tous les élèves ont répondu spontanément, a été fait pour que les élèves n’aient pas à planifier des étapes dans la résolution (n’aient pas à faire une inférence). Ce choix devait permettre d’entrer directement dans la résolution de la question principale.

Schem2

Schem2 - Premiers travaux d’élèves

La maîtresse a prononcé des mots inducteurs forts comme « vous pouvez écrire, dessiner ». C’est ce que vont faire les élèves dans leur première approche du problème, loin, très loin d’une démarche de type arithmétique.
C’est l’occasion d’une prise de conscience sur le regard scientifique, le regard de la mesure en général, où l’on remarque à quel point il peut être perçu comme réducteur : tant d’approches d’une situation sont possibles. Ainsi beaucoup d’enfants sont complètement dans leur imaginaire, loin d’une préoccupation numérique, même si la maîtresse rappelle régulièrement l’objectif.

Les premières productions des élèves - 4 min 02 s


Plusieurs obstacles freinent l’entrée dans une problématique arithmétique, en particulier celui du vécu social : on entre dans une voiture à trois ou quatre ; quand on part à trois chacun ne prend pas sa voiture. Il faut donc réactiver un autre monde, et cette porte ouverte vers un univers irréel est une autorisation explicite de laisser libre cours à son imagination. La maîtresse ayant dit qu’on pouvait dessiner...

Il est intéressant de voir que certains élèves restent dans une démarche proche d’un questionnement scolaire : on essaie de répondre à la question, alors que d’autres sont dans une démarche très personnelle.

Schem3

Schem3 - Bilan des recherches - Proposition d’une autre démarche

Dans le bilan des recherches, la maîtresse prend la dimension des difficultés du dessin et surtout évoque le paramètre du temps.

Pour Daniel Lagoutte, spécialiste des arts visuels chez les enfants (collection « Art et savoirs » en maternelle — entre autres), l’évocation du temps est le seul argument non réducteur que l’on peut proposer à un élève pour qu’il quitte son imaginaire naturellement, sans rupture pour son activité.

L’argumentaire du dessin et les contraintes de temps mis en évidence, la maîtresse propose tout de suite une alternative : la schématisation (à 35 s).

Pour installer la schématisation, l’enseignante va progressivement proposer une évolution des signifiants pour un même signifié. Ainsi, le carrosse va tout d’abord être représenté par un rectangle en bristol qui jouera ensuite le rôle de gabarit pour tracer un rectangle. Ce rectangle devient un symbole qui entretient une relation arbitraire avec le signifié (le carrosse). Le même principe est utilisé pour les chevaux représentés tout d’abord par des carrés de bristol d’une autre couleur, puis par un carré tracé à la craie.

Bilan - Vers une autre démarche - 3 min 36 s


La silhouette de la princesse joue le rôle d’objet transitionnel, établissant ainsi un lien entre le schéma en construction et la représentation initiale que l’on se fait de la situation.

Les deux étapes de l’évolution des signifiants sont évoquées respectivement dans cet extrait et le suivant. Ces extraits montrent le temps nécessaire à l’appropriation de chaque étape. Par ailleurs, la présence de 6 « chevaux » permet de tester l’appropriation des données mais aussi la capacité des élèves à donner du sens à ce premier symbole arbitraire.

Des questions topologiques s’installent dans l’activité : la princesse dépasse du carrosse, et l’élève qui vient placer les chevaux met le premier dans le carrosse (à 2 min 40 s). Il a naturellement tendance à placer les 6 chevaux à sa disposition (à 3 min 15 s).

Schem4

Schem4 - L’acte de la schématisation

Cet extrait illustre la deuxième partie du processus de la schématisation tel que décrit dans le commentaire de l’extrait précédent.
L’enseignante fait constater que l’on peut se représenter la situation en utilisant des symboles arbitraires.

La schématisation proprement dite - 2 min 17 s



Schem5

Schem5 - « Dix et encore cinq ? »

Nous abordons le comportement des élèves vis à vis de cette première schématisation. Tout d’abord, dans les premières secondes de l’extrait, les deux élèves à l’affiche de la vidéo ont un questionnement autour de la lecture/écriture, le mot « chevaux » devant être employé dans une phrase réponse.

Le reste de l’extrait (à partir de 16 s) est centré sur une élève, même si de temps en temps la maîtresse parle à une autre élève que l’on ne voit pas. L’élève commence à dessiner le deuxième carrosse et les chevaux associés (autour de 1 min) puis le dernier carrosse et les chevaux vers 1 min 25 s.

« Alors combien de chevaux faut-il en tout pour ces trois princesses ? » (1 min 43 s). Première réponse, puis comptage (2 min 08 s) pour une réponse correcte. La maîtresse propose de compter plus vite. Et, après une nouvelle réponse erronée de l’élève, prononce cette phrase : « donc dix et encore cinq, ça fait ? ». L’élève ne sait pas calculer, et tente une réponse logico-phonique (50). À la seconde tentative, on peut penser que l’élève surcompte les doigts de la maîtresse à partir de 10 pour trouver 15.

Une réponse logico-phonétique - 2min 44 s


Au CP, les enfants vont progressivement s’approprier le calcul comme outil permettant d’anticiper un résultat. Petit à petit, il va supplanter les procédures essentiellement basées sur le comptage. Les réponses, 15 obtenu par comptage et immédiatement après, 20 par calcul, montrent qu’a ce stade l’élève n’a pas pris conscience que les deux procédures portent sur les mêmes objets et auraient dû produire le même résultat. Le calcul et le dénombrement sont dissociés. Seul le dénombrement répond à la question « Combien ? ». L’un des enjeux du CP est de faire se rencontrer ces deux procédures pour donner du sens au calcul comme procédure experte.

Malgré des difficultés numériques légitimes, avec cette élève, l’objectif principal de schématisation est atteint.

Notons que la phrase « dix et encore cinq » n’engage pas de référence à la comptine de Tchou, ni avec cette élève ni avec d’autres élèves. La nuance de l’extrait suivant est intéressante.

Schem6

Schem6 - L’alchimie entre le calcul réfléchi et les compétences de schématisation

L’extrait prend en cours l’échange entre un élève et la maîtresse : celui-ci vient de dénombrer les 15 chevaux schématisés.

Détail technique : la maîtresse avait demandé de parler doucement pour que les autres enfants n’entendent pas sa réponse, puis elle s’est aperçue que la caméra ne captait pas sa voix.

Vers 43 s, la maîtresse prononce à nouveau cette phrase « dix et encore cinq ça fait combien ? ». Puis, devant l’absence de réponse réitère (à 50 s) un « dix et cinq ça fait combien ? ». Son voisin tire immédiatement parti de cette question et établit le lien entre le résultat du dénombrement et celui attendu par la procédure de la maîtresse.
Il établit une première rencontre entre le dénombrement et le calcul. C’est une illustration du commentaire du livre du maître de CE1 de Rémi Brissiaud placé en titre de cet extrait.

Illustration de « l’alchimie » de Brissiaud - 1 min 32 s


On a pu constater dans cette séance que, même dans un contexte arithmétisé, l’expression « dix et encore cinq » n’induit pas de relation avec la comptine de Tchou, alors qu’un « dix et cinq » a pu en produire. C’est une très belle illustration — langagière — de l’extraordinaire contextualisation dans laquelle s’effectuent généralement les apprentissages. Il faut ensuite du temps pour que les concepts en émergent.

Schem7

Schem7 - Exemple d’autres productions d’élèves

Centré autour d’un dialogue avec un élève, cet extrait montre différentes productions intermédiaires ou finales d’autres élèves. Le premier élève est interrogé sur le nombre de chevaux à 34 s. Il répond 7 s plus tard : il est clair qu’il a compté les carrés, éventuellement à partir de 5. On reprend le calcul de « 5 et 5 », la réponse est immédiate. Là encore, « si on ajoute encore 5 » provoque un surcomptage.

Un second exemple est proposé à 1 min 06 s, qui provoque la même démarche, ici avec un calcul mental (i. e. sans le support visuel des carrés).

La réponse de la maîtresse à une autre élève pendant ce comptage parle d’une seconde situation où on avait 4 princesses. Nous n’avons pas reproduit les travaux des 3 élèves qui ont traité ce cas,.

On assiste dans cet extrait à une dérive consistant à utiliser le support du problème comme prétexte au calcul alors que l’objectif était la schématisation. Ce questionnement récurent sur des procédures de calcul, pas encore à la portée des élèves, risque de donner aux enfants un sentiment d’échec alors que leurs résultats, dans l’ensemble, sont corrects.

Autres travaux d’élèves - 1 min 36 s


La présence et les attentes des deux formateurs de l’IUFM aux caméras ont probablement initié cette dérive...

Nous avons choisi de mettre en avant ce type de séance pour montrer que la schématisation nécessite un apprentissage et que celui doit débuter très tôt.


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