Activités pour travailler la démonstration au collège

mercredi 21 décembre 2011
par  Magalie SODA , Stéphanie RIVIÈRE

Cet article présente quelques exemples d’activités menées en classe de 4e pour travailler la démonstration et analyser les difficultés que rencontrent les élèves face à ce genre de situations.

INTRODUCTION


La figure ABCD ci-contre est constituée de 9 carrés.

Le carré gris a pour côté 10 cm et le noir a pour côté 1 cm.

Quelle est la nature de ABCD ?

À première vue, il semblerait qu’il s’agisse d’un carré, mais comment en être sûr ? Pouvons-nous nous fier à nos sens, à ce que l’on voit ? Deux personnes différentes voient-elles nécessairement la même chose ? Notre expérience nous dit que NON. Une personne peut voir un carré là où une autre n’entrevoit qu’un rectangle. Comment alors être sûr d’une propriété ?

Il nous faut tous nous appuyer sur des propriétés communes, connues de tous, afin d’aboutir à une même conclusion : cette démarche constitue ce qu’on appelle une démonstration.

Une démonstration, selon Jean Houdebine, est un « texte argumentatif spécifique des mathématiques (structure particulière, arguments pris parmi les résultats déjà énoncés) dont la sémantique est liée à la résolution de problème et à la preuve ».

Pourquoi démontrer ? On a vu précédemment que la démonstration est un outil privilégié afin de se mettre tous d’accord. Elle permet donc de convaincre : est-ce que c’est vrai ? Elle permet aussi de comprendre : pourquoi est-ce que c’est vrai ? Elle sert surtout à la résolution de problèmes.

Jusqu’à leur arrivée au collège, les élèves n’ont pas ressenti le besoin, la nécessité de démontrer. Notamment en géométrie, ils ont été formatés à une géométrie instrumentée et perceptive où ils devaient se fier uniquement à ce qu’ils voyaient ainsi qu’à leurs instruments de mesure. Par exemple, pour dire que des droites sont perpendiculaires, il suffisait de le vérifier à l’aide de l’équerre.

À leur entrée au collège, on leur montre les limites de ces géométries (voir les activités ci-après) et l’importance donc d’une géométrie dite déductive. L’intérêt de la démonstration pour les élèves apparaît surtout dans la résolution de situations-problèmes où elle prend alors du sens.

Au collège, la démonstration s’appuie sur divers types de raisonnement, notamment :

  • un raisonnement par induction et présomption qui est l’étude de plusieurs exemples concordants et représentatifs conduisant à une propriété générale ;
  • un raisonnement par déduction partant directement des données et arrivant à la conclusion par des enchaînements logiques ;
  • un raisonnement par l’absurde qui consiste à supposer le contraire de ce qu’on souhaite montrer et à aboutir alors à une contradiction ;
  • un raisonnement par la mise en évidence d’un contre-exemple : un seul exemple ne vérifiant pas la propriété suffit à justifier que la propriété est fausse, ce qui constitue l’une des règles du débat mathématique.

Les documents d’accompagnement du collège préconisent de privilégier la phase de recherche et de production d’une preuve plutôt que sa mise en forme. La phase de rédaction peut en effet constituer un obstacle majeur au raisonnement de l’élève.

Au collège, l’initiation à la démonstration apparaît très clairement dans les programmes à partir de la classe de 4e ; néanmoins les classes antérieures (6e et 5e) font aussi l’objet de mini séquences déductives, par exemple lors de l’utilisation des propriétés sur les droites en 6e ou de l’utilisation des propriétés de la symétrie centrale en 5e.

En 4e, comme dans les classes précédentes, la démonstration tient une place importante en géométrie, par exemple pour le théorème des milieux. En 3e, entre ensuite en jeu un nouveau domaine propice à la démonstration : l’arithmétique, par exemple pour justifier que √2 est un irrationnel.

Dans la suite de cet article, nous allons présenter quelques exemples d’activités menées en classe pour travailler la démonstration et analyser les difficultés que rencontrent les élèves face à ce genre de situations.

EXEMPLES D’ACTIVITÉS DONNÉES DANS NOS CLASSES

Activité 1 : Travailler sur les conditions/conclusion

Voici une liste de propriétés :

A) Si un quadrilatère est un parallélogramme, alors ses côtés opposés sont parallèles
B) Si un quadrilatère a ses côtés opposés parallèles, alors c’est un parallélogramme
C) Si un parallélogramme possède des diagonales perpendiculaires, alors c’est un losange
  1. Parmi ces propriétés, quelle(s) est (sont) celle(s) qui permet(tent) de montrer qu’un quadrilatère est un parallélogramme ?
  2. Parmi ces propriétés, quelle(s) est (sont) celle(s) dont la condition porte sur un parallélogramme ? sur un losange ?

L’activité présentée ici est proposée en classe de 4e (en devoir surveillé). Les deux premières propriétés utilisent les mêmes éléments de phrase, et par conséquent représentent pour certains élèves la même idée et sont identiques, ce qui est bien évidemment faux.

La première nous permet d’obtenir une propriété sur les diagonales d’un parallélogramme, alors que la seconde nous permet de montrer qu’un quadrilatère est un parallélogramme.

L’activité a donc ici pour objectif de faire travailler sur le statut des éléments de la phrase : différencier les conditions, données de départ, ce que l’on a, ce que l’on connaît de la conclusion, ce qu’on l’on cherche à obtenir.

Activité 2 : Quadrilatère de Varignon

ABCD est un quadrilatère quelconque.

E est le milieu de [AB], F est le milieu de [BC], G le milieu de [CD] et H le milieu de [DA].

Quelle est la nature du quadrilatère EFGH ? Justifier

Reprendre l’énoncé avec ABCD un losange.

Différencier les conditions de la conclusion représente une première étape, néanmoins un autre obstacle peut alors apparaître chez certains élèves : arriver à tout prix à la conclusion demandée en ignorant les données qui leur sont fournies.

Nous avons pu l’observer sur une copie d’une élève d’un très bon niveau en mathématiques (cf. ANNEXE 1). En effet, celle-ci utilise toutes les propriétés qu’elle connaît permettant de démontrer qu’un quadrilatère est un losange (même si cette observation est erronée à cause d’un schéma pris d’un cas particulier) et fait de même pour démontrer que dans le deuxième cas le quadrilatère est un rectangle, sans utiliser les données de départ de l’énoncé.

L’activité en ANNEXE 2 permet aussi de travailler sur les données, d’étudier le changement de statut d’un énoncé. La conclusion dans une proposition devient donnée à la proposition suivante. L’activité permet de vérifier les enchaînements logiques de plusieurs propriétés avant d’arriver à la conclusion finale. De plus, c’est un exemple concret qui n’est pas lié au domaine des mathématiques.

Activité 3 : Travail du « Si... Alors... » et de la réciproque

Préciser si les énoncés suivants sont vrais ou faux. Puis écrire la réciproque de chacun de ces énoncés et préciser si elle est vraie ou fausse. Justifier votre réponse.

a) Si j’habite à Saint-André, alors j’habite dans la région Est de la Réunion.
b) Si je suis en classe de 4e, alors je suis un collégien.
c) Si je suis majeur, alors je peux passer mon permis de conduire.
d) Si un nombre est pair, alors il se termine par 2.
e) Si deux droites sont perpendiculaires, alors sont sécantes.

L’activité ci-dessus est un moyen de travailler sur les règles du débat mathématique en s’appuyant sur des situations concrètes de la vie quotidienne qui interpellent plus les élèves que des énoncés purement mathématiques.

Ces règles du débat mathématiques sont les suivantes :

  • Un énoncé est soit vrai soit faux, ne peut pas être les deux à la fois (contrairement à ce qui se peut passer dans le quotidien : si je prends mon parapluie, alors il pleut).
  • Plusieurs exemples qui vérifient un énoncé ne suffisent pas à prouver la véracité de ce dernier.
  • Un exemple contredisant un énoncé suffit à affirmer que cet énoncé est faux ; on appelle cela un contre-exemple.

Activité 4 : Se méfier de ce que l’on voit


Que peut-on dire des points A, B et C ?

Comme on l’a dit plus haut, les élèves sont conditionnés depuis leur jeune âge à se fier à ce qu’ils voient. Ils ont donc l’habitude d’une géométrie perceptive et ici, en particulier, vont sans aucune justification affirmer que les points sont alignés. Ils font, malgré le peu de données présentes sur la figure, abstraction de celles-ci. Le but du collège est ainsi d’amener le doute dans leur esprit sur ce qu’ils perçoivent, afin de les conduire à se poser des questions.

Revenons à présent sur l’activité proposée dans l’introduction dans laquelle tous les élèves répondent unanimement que la figure est un carré. Pour justification, certains répondent spontanément : « Ben c’est ce qu’on voit ». D’autres répondent qu’ils ont vérifié avec l’équerre. Les premiers sont encore cantonnés à la première géométrie étudiée, c’est-à-dire la géométrie basée sur leur sens. Les seconds, eux, utilisent la géométrie instrumentée. Dans ces deux cas, aucun d’eux ne pense à utiliser les informations qui leur sont fournies, ce qui peut paraître normal : ils ne sont habitués ni à raisonner ni à chercher.

C’est d’ailleurs l’un des principaux objectifs du collège, à savoir leur apprendre à chercher, à raisonner, à argumenter sur des problèmes liés aux mathématiques mais aussi sur des problèmes de la vie de tous les jours. En définitive, on doit donc initier les élèves à une géométrie déductive fondée sur l’utilisation de leur bagage mathématique et des données du problème.

Activité 5 : Vérification des données de départ

Calcule la longueur EF dans chaque cas :

Triangle 1
Triangle 2
Triangle 3

Cette activité a été proposée en exercice d’application à la fin du chapitre sur le théorème des milieux dans des classes de 4e. Les élèves se sont précipités sur cet exercice d’application directe. Ils voient un triangle et des codages pour des milieux, ils sont heureux de pouvoir à chaque fois appliquer le théorème des milieux pour le calcul de longueur.

Cependant, une fois arrivés à la dernière figure, quand ils répondent tous en coeur que EF = 9,8 cm et que le professeur leur répond « ah non », ils sont étonnés et ne réagissent pas tout de suite. En leur demandant de bien regarder la figure, ils se rendent compte que malgré des codages de segments de même longueur, cela n’implique pas la présence de milieux.

C’est alors que le professeur insiste sur l’importance de bien vérifier les données de départ pour appliquer ce théorème et tous les autres. Laisser les élèves enchaîner de façon mécanique ce genre d’exercice et se tromper, permet au professeur de bien faire passer ce message qui marquera un grand nombre d’entre eux.

CONCLUSION

Dans cet article, nous nous sommes attardées sur les difficultés et l’incompréhension que peuvent éprouver certains élèves face à la démonstration et son utilité. En effet, les élèves ne sont pas habitués à l’entrée au collège à ce genre de pratique souvent liée à la résolution de problème.

Les activités présentées dans nos classes respectives ont permis de faire comprendre aux élèves l’intérêt de démontrer ; en particulier en géométrie, après certaines de ces activités, une majorité a compris qu’il ne faut pas se fier à ce que l’on voit, qu’il ne faut pas se ruer systématiquement sur les matériels de géométrie pour vérifier des propriétés sur les figures.

Bien qu’ayant présenté des activités en relation avec la géométrie, domaine privilégié de la démonstration, nous tenons à souligner que la démonstration trouve également sa place dans des domaines tels que l’arithmétique ou le calcul littéral.


ANNEXE 1 : PRODUCTION D’ÉLÈVE POUR L’ACTIVITÉ 2


ANNEXE 2 : WONDERLAND

Toute similitude avec des événements réels (présents, futurs ou passés) est purement fortuite. Ceci est une fiction.

Après une étude « scientifique » poussée, on s’est rendu compte que les affirmations suivantes sont vraies :

Si le chien est content et qu’il y a un enfant ALORS il se rapproche de lui et tourne autour de lui.
Si le lapin voit le chien ALORS il va se réfugier dans son terrier.
Si le chien s’approche d’une personne qui a peur ALORS il aboie.
Si le chien mord ALORS il est enfermé pendant une semaine.
S’il fait beau ALORS la souris pique-nique sous l’arbre.
S’il fait beau ALORS le lapin essaie de voler une carotte dans le potager.
Si le lapin essaie de voler une carotte ALORS le chien lui court après.
Si le chien se fait taper ALORS il mord.
Si la souris pique-nique ALORS le chien est content.

Dans un jardin – au pays de Wonderland – se trouvent un lapin, un chien et une souris qui pique-nique sous un arbre.

Ce matin-là, Alice, une enfant de 6 ans, est dans le jardin. Elle a peur des animaux, et les tape dès lors qu’ils sont autour d’elle et qu’ils font du bruit.

Que va-t-il se passer dans le jardin ?


Commentaires

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lundi 6 juin 2016 à 19h21 - par  DAHMANI

J’ai trouvé cet article très intéressant...Merci