Du calcul sur les objets au calcul numérique

lundi 18 mai 2009
par  Yves MARTIN

Il s’agit de montrer, sur des séquences filmées en classe, le long apprentissage du calcul. Le film met en évidence différents invariants, présents en cycle 2 comme en cycle 3, notamment le calcul sur les objets en début d’apprentissage, puis sa difficile mutation vers le calcul numérique.

Lors de formations continues autour de la charnière CM2-6e, nous avons souvent montré cet extrait vidéo pour parler, entre autre, de la zone proximale de développement et de la responsabilité du maître de l’engager ou non.

ZPD et calcul sur les fractions

Mais en pratique, cette vidéo interpelle les enseignants du secondaire par la capacité à l’élève d’effectuer « ce calcul » au tout début de l’apprentissage des fractions. Et l’idée de ce film est née de cette distance entre ce que les élèves font effectivement, et ce que l’on pense voir : ici le calcul effectué n’est en rien un calcul algébrique, mais un calcul que Rémi Brissiaud a appelé « sur les objets ».

Le terme peut choquer les mathématiciens qui savent qu’on ne mesure pas les objets mais bien des grandeurs associées et donc qu’on ne calcule jamais sur des objets mais au contraire sur des nombres.

Mais il n’y a pas d’ambiguïté à ce sujet. C’est la définition même que donne Rémi Brissiaud du calcul :

Calculer
C’est mettre en relation des quantités, directement à partir de leur représentation numérique sans passer par la réalisation physique d’une ou plusieurs collections dont les éléments seraient dénombrés.

On remarquera qu’avec cette définition, le surcomptage avec les doigts n’est certainement pas un calcul. Voici un exemple de calcul comme on peut en trouver - avec une bonne méthode ! - vers le mois d’avril en CP. On y voit l’élève effectuer mentalement ses regroupement de 5 et de 10 - l’algorithme qu’elle a appris - pour effectuer son calcul.

Exemple de calcul en CP

Le film montre tout d’abord que pour arriver à ce résultat en CP, ou pour arriver à un résultat équivalent sur les fractions au collège, les élèves doivent passer par des étapes intermédiaires qui, elles, mettent de jeu une relation aux objets comme support d’une forme amoindri du calcul. C’est cela que Brissiaud appelle le « calcul sur les objets ».

On voit cela au CP avec - par exemple - des cartes de constellations. Les élèves apprennent à « calculer avec les cartes » avant d’arriver à calculer comme ci-dessus. C’est de la responsabilité des enseignants de faire entrer les élèves dans ce type de pratique intermédiaire - largement efficace - et surtout, c’est en fait l’enjeu de ce film, de les en faire sortir.

Ainsi sur l’extrait d’introduction, l’élève de CM1 calcule en fait non pas « avec des fractions » (qu’elle ne connait que depuis 2 semaines) mais bien « avec des bandes », d’où - répétons-le - une certaine efficacité illusoire.

Du calcul sur les objets au calcul numérique

Mais l’enjeu de la scolarisation (pour reprendre une expression chère à M. Brissiaud) est de sortir de cette étape pour entrer réellement dans le calcul. Par exemple avec les bandes de CM1, les fractions ont « une longueur », expression d’élève qui nous signifie qu’elles sont plus des objets (cette fraction est d’abord un fractionnement physique de l’unité), que des expressions arithmétiques. Quand la fraction va devenir un nombre, en particulier à placer sur une droite graduée, beaucoup d’élèves commencent par placer la fraction entre les graduations, car elle représente encore un « morceau de bande ».

La difficulté est importante, et elle est montrée dans le film, ainsi que la méthode pour passer de cette situation au calcul numérique : d’abord la décomposition additive. Et ensuite la multiplicité des décompositions additives pour former le concept de nombre (plus précisément un schème au sens de Vergnaud)

La décomposition additive a été reconnue comme une méthode cognitivement efficace pour l’apprentissage du nombre. Et on décompose les nombres dès l’école maternelle. Voir par exemple cette carte mentale à ce sujet.

De même, lors du passage du fractionnement de l’unité à l’écriture fractionnaire des nombres et leur position sur une droite graduée, là encore les différentes écritures additives correspondantes fondent le concept de nombre qui est sous-jacent (même si les nombres rationnels en soi ne sont pas un objectif à ce niveau de scolarité bien entendu).

Sur ce sujet, le film - qui devait s’inscrit dans un format assez court pour participer au festival du film scientifique - ne détaille pas toutes les étapes intermédiaires que l’on trouvera dans ces pages consacrées justement à ce sujet.

Disponibilité du film

Mais l’intérêt du film est plus dans sa présentation des enjeux de l’apprentissage du calcul au cycle 2 et au cycle 3, des difficultés rencontrées, de la cohérences des démarches engagées pour y remédier.


Ce film dure 30 min seulement, il est téléchargeabe au format divx (319 Mo) sur cette page ainsi qu’un fichier PDF qui détaille un peu plus que la voix off certains aspects de formation.

Les étudiants et stagiaires de La Réunion peuvent l’emprunter à la médiathèque de l’IUFM où il est disponible en plusieurs exemplaires.

En hommage à Didier Bernot, disparu depuis que ce projet a été mené, voici la dernière minute de film où il parle de ces enjeux à ses stagiaires (sur une problématique de CM2).

Les 100 dernieres secondes du film

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