Géométrie anallagmatique

mercredi 3 avril 2013
par  Alain BUSSER

À l’origine, cet article avait pour but de faire une démonstration lors du séminaire de l’IREM du 3 avril 2013 : on y a enregistré une figure dans le spip en direct (donc avec les fameux aléas du direct !).

On peut maintenant le considérer comme une approche par la manipulation de la géométrie anallagmatique. Cet article illustre une approche originale (semble-t-il) de la géométrie annallagmatique :

  • On commence par évoquer les faisceaux engendrés par deux cercles.
  • On remarque que les faisceaux contiennent une droite : l’axe radical des deux cercles.
  • Dans le cas des faisceaux à points limites, on étudie l’axe radical d’un point et d’un cercle, ce qui mène à la notion de polaire d’un point par rapport à un cercle.
  • On continue avec la notion duale de pôle d’une droite et on applique à la dualité en géométrie projective.

Équations de cercles

On considère deux cercles C1 et C2, et leurs équations respectives E1 et E2 (en fait, ce sont des expressions, on oublie le « =0 » qui en fait vraiment des équations). Autrement dit, une équation de C1 est E1=0 et une équation de C2 est E2=0. Si le centre de C1 a pour coordonnées (a1,b1) et son rayon est r1, alors

E1=x2+y2-2a1x-2b1y+(a12+b12-r12) ; de même,

E2=x2+y2-2a2x-2b2y+(a22+b22-r22),

où a2 et b2 sont les coordonnées du centre de C2, et r2 son rayon.

Alors, pour toute valeur de z différente de -1, E1+zE2=0 est encore l’équation d’un cercle [1]. L’ensemble de ces cercles est appelé faisceau engendré par C1 et C2.

Cas particuliers

  • Si z=0, on retrouve le fait que C1 appartient au faisceau qu’il engendre.
  • Si z est infini, on retrouve le fait que C2 aussi appartient au faisceau.
  • Si z=-1, on a une droite [2] : L’axe radical de C1 et C2, présenté plus bas.

Faisceaux

L’allure d’un faisceau de cercles dépend du nombres de points communs à C1 et C2.

Remarque

Si C1 et C2 passent tous les deux par un point A, alors les coordonnées de A annulent à la fois E1 et E2. Dans ce cas, E1+zE2=0+z×0=0 : Tous les cercles du faisceau passent aussi par A.

à points de base

Si C1 et C2 se coupent en A et B, d’après la remarque ci-dessus, tous les cercles du faisceau passent par A et B : On dit que A et B sont les points de base du faisceau, lequel est formé des cercles passant par A et B :

L’un des cercles est très grand, il suggère que la droite (AB) est elle-même membre du faisceau de cercles, comme cas limite.

Théorème de Desargues-Sturm

Une application des faisceaux de cercles à points de base A et B :

On considère un point P sur l’axe des abscisses, deux points A et B symétriques par rapport à l’axe des abscisses ; le point P’ est défini comme la deuxième intersection du cercle passant par A, B et P et de l’axe des abscisses (la première intersection étant P). Alors, si P(x ;0) et P’(y ;0), la fonction qui transforme x en y est homographique :

de cercles tangents

Si C1 et C2 sont tangents en A, tous les cercles du faisceau passent par A, et sont tangents entre eux en A :

La tangente commune à tous les cercles fait aussi partie du faisceau, comme cercle de rayon infini.

à points de Poncelet

Si C1 et C2 n’ont aucun point commun, le faisceau qu’ils engendrent est dit de Poncelet, et il contient deux cercles de rayon nul, appelés points limites ou points de Poncelet du faisceau.

On devine une droite dans le faisceau : Elle est verticale, entre C1 et C2 (et entre les deux points limite)

Dans tous les cas, on constate que le faisceau de cercles engendré par C1 et C2 contient une droite (ou un cercle dont le centre est à l’infini).

Dualité pôle-polaire

Axe radical

On suppose que C1 et C2 ne sont pas tous les deux des droites ; alors

On appelle axe radical de C1 et C2, la seule droite qui fait partie du faisceau engendré par C1 et C2.

En déplaçant les deux cercles et en observant la position de leur axe radical, on observe expérimentalement les faits suivants :

  • Si les deux cercles sont sécants en S et T, leur axe radical est la droite (ST) ;
  • S’ils sont tangents en T, leur axe radical est leur tangente commune en T ;
  • S’ils sont extérieurs l’un à l’autre, les points S et T sont devenus invisibles parce qu’ils sont imaginaires conjugués ; mais leur milieu est toujours réel, et l’axe radical de C1 et C2 passe par ce milieu ; l’axe radical est alors entre C1 et C2.
  • Si le plus petit cercle est à l’intérieur de l’autre, l’axe radical est à l’extérieur des deux cercles. Sa position dépend de celle des cercles, de manière assez sensible ;
  • Cas limite : Si les deux cercles sont concentriques, leur axe radical est à l’infini.
  • Dans tous les autres cas, l’axe radical est perpendiculaire à la droite joignant les centres des deux cercles.

Polaire

On considère un cercle (supposé dans un faisceau à points de Poncelet) et un point (un des points de Poncelet). Alors l’axe radical du faisceau (en rouge) est défini comme fonction du point C et du cercle :

Cette droite, qui ne dépend que de C et du cercle (bleu), peut être appelée axe radical du point et du cercle. Par la suite, on considère l’image (en vert ci-dessus) de cette droite (rouge) par l’homothétie de centre C et de rapport 2.
Cette nouvelle droite dépend, elle aussi, de C et du cercle. On l’appelle polaire de C par rapport au cercle.

Si on mène par C une tangente au cercle, la polaire de C par rapport au cercle passe par le point de contact ce qui donne

  • une utilité géométrique à la polaire d’un point
  • un moyen de construire la polaire.

Cependant, si C est à l’intérieur du cercle, la polaire continue d’exister alors que le faisceau n’est plus à points de Poncelet. La polaire est une notion assez générale (existe ausi avec les coniques, y compris les coniques dégénérées).

Pôle

En faisant glisser C le long d’une droite, on constate que sa polaire tourne autour d’un point P (en bleu) :

Ce point s’appelle le pôle de la droite rouge par rapport au cercle. Or

  • P est sur la polaire de Q si, et seulement si, Q est sur la polaire de P
  • P est le pôle de d si, et seulement si, d est la polaire de P.

Ceci permet de donner à l’ensemble des droites du plan projectif, une structure de plan projectif, où des droites sont dites proches si leurs pôles le sont.
Cette dualité permet d’associer à une courbe vue comme enveloppe de ses tangentes, une autre courbe qui est le lieu des pôles des tangentes.
Cette notion de enveloppe d’une famille de droites est intéressante pour modéliser la vision périphérique.

Inversion

Inverse

La droite (en jaune) joignant un point C au centre du cercle, est perpendiculaire à la polaire (en vert) de C par rapport au cercle :

Si les droites sont perpendiculaires, elles sont a fortiori sécantes.

Leur intersection C’ est appelée inverse de C par rapport au cercle.

Droite

L’inversion par rapport à un cercle est une involution (bijection égale à son inverse). Autrement dit, il revient au même de dire

  • C’ est l’inverse de C par rapport au cercle
  • C est l’inverse de C’ par rapport au cercle.

Dans les deux cas, on dit que C et C’ sont inverses l’un de l’autre.

Un point est son propre inverse si, et seulement si, il est sur le cercle.

Si on fait glisser le point C le long d’une droite (en rouge), on constate que son inverse parcourt un cercle (en vert) :

Ceci constitue une théorie de l’anamorphose : si on trace un cercle sur une feuille de papier, et qu’on pose un miroir cyclindrique sur la feuille, de telle manière que le centre du cercle soit sur le cylindre, le reflet du cercle est une droite.

Cercle

Si, maintenant, le point C parcourt un cercle, son inverse C’ par rapport au cercle bleu, parcourt aussi un cercle (en vert) :

Faisceaux

Si un cercle C’ est invariant par inversion par rapport au cercle C, on dit que C’ est orthogonal à C. Dans ce cas, le cercle C est également invariant par inversion par rapport à C’ et on dit que C et C’ sont orthogonaux (l’un par rapport à l’autre).

L’ensemble des cercles orthogonaux à tous les cercles d’un faisceau est lui-même un faisceau de cercles. Par exemple :

  • les cercles qui sont orthogonaux à tous les cercles passant par A et B, forment un faisceau à points de Poncelet (A et B),
  • inversement, les cercles orthogonaux à au moins deux cercles d’un faisceau à points de Poncelet, forment un faisceau à points de base : tous les cercles de ce faisceau passent par les deux points de Poncelet.
  • Les cercles orthogonaux à un faisceau de cercles tangents, forment également un faisceau à cercles tangents. Le point de contact est le même mais les tangentes sont perpendiculaires entre elles.

Plus généralement, l’axe radical d’un faisceau de cercles est orthogonal à l’axe radical de son faisceau orthogonal.

Si les équipotentielles d’un champ scalaire forment un faisceau de cercles, alors les lignes de champ de son gradient forment un faisceau de cercles aussi : son faisceau orthogonal.


[1en mettant (1+z) en facteur, on retrouve le début de l’équation égal à x2+y2 qui caractérise les équations cartésiennes de cercles.

[2en réalité, l’équation d’une droite est de degré 1, et un cercle, même de centre à l’infini, ne peut être égal à une droite : On ajoute la droite de l’infini pour considérer une droite comme un cercle de centre à l’infini.


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