Diététique et barycentres

samedi 10 octobre 2009
par  Alain BUSSER

Lorsque trois quantités ont une somme égale à 1 (ou 100%), on peut les décrire par un point dans l’espace de coordonnées (x,y,z), ou plus précisément sur le plan d’équation x+y+z=1. Or ce plan coupe l’octant x, y et z positifs par un triangle équilatéral, et x,y et z représentent les coefficients à donner aux sommets de ce triangle pour que leur barycentre soit le point cherché : Les coordonnées barycentriques de ce point dans le triangle.

Point et aliments

L’exemple archiclassique des composantes bleue, verte et rouge dans ce que Newton appelait le triangle des couleurs est basé sur le fait qu’un point à l’intérieur d’un triangle est entièrement déterminé par les longueurs qui le séparent de ses projetés orthogonaux sur les côtés du triangle :

un repas dans le triangle au format CaRMetal

Un repas peut être représenté par un point, les pourcentages (qui sont proportionnels aux longueurs) représentant les quantités respectives de protides, glucides et lipides du repas. Dans l’exemple d’un repas typique de type « fast-food », avec ses 16% de protides, 64% de glucides et 20% de lipides (voir cet article du pays des frites pour voir comment on les a déterminés), le repas sort des recommandations de l’OMS (15-55-30), la zone des repas à peu près équilibrés ayant été représentée par le petit triangle rouge [1]. Le point rouge est le barycentre des sommets du triangle avec les coefficients respectifs 16, 64 et 20.

Il suffit donc de connaître les pourcentages respectifs de protides, glucides et lipides du repas pour savoir, en déplaçant le point rouge, si on a bien mangé ou non : L’utilisation de la fonction booléenne « inside » dans CaRMetal permet d’afficher le texte « équilibré » ou « pas équilibré » selon que le point rouge est à l’intérieur ou à l’extérieur du triangle rouge [2].


Quel est le rapport avec les abaques ?

En rajoutant sur la même figure les lignes de niveau des coordonnées barycentriques, on obtient un abaque, que voici :

le repas dans le triangle version abaque

C’est la même figure qu’auparavant, à ceci près qu’au lieu de lire les coefficients barycentriques comme longueurs de segments perpendiculaires, on les lit directement sur l’abaque.


Repas avec plusieurs ingrédients

Pour trouver le point représentant un repas dans le triangle, il suffit de connaître les points représentant les différents plats, et la quantité de ceux-ci. Alors le repas est le barycentre des ingrédients, avec pour coefficients leur masse (sans l’eau ni les oligo-éléments). Dans le fichier ci-dessous, on a choisi 5 ingrédients : Entrée, Viande, Légumes, Fromage et Dessert, chacun avec un curseur pour choisir sa quantité. La modification des quantités ou des qualités (taux de protides, glucides ou lipides) de ces ingrédients permet de placer le repas dans le triangle, sous la forme du seul point non manipulable (il est en cyan) :

repas ingrédient par ingrédient

Pour utiliser cet exemple dans le cas du « fast-food », il faut remplacer l’un des ingrédients, ici le fromage, par la boisson, celle-ci étant riche en sucres à assimilation rapide. Donc la boisson gazeuse, appelée ici « fromage », se trouve tout près du sommet « glucides ». On a estimé qu’il y en avait 200 grammes ce qui est peut-être exagéré (quoique ?). De même, le pain a été ici appelé « entrée ». Donc le « hamburger » est composé de 200g de pain et de 112g de viande, il se trouve quelque part sur le segment « entrée-viande », qui est entièrement en-dehors de la zone des repas équilibrés. Le point « légumes » représente les frites (amidon+huile de friture), et le dessert un « sundae » (crême glacée très grasse et assez sucrée).

La manipulation des curseurs montre que non seulement le repas sans dessert (0 gramme de Sundae) n’est pas équilibré, mais que même en modifiant les quantités il ne le devient pas : Manger un deuxième hamburger tire le barycentre vers le haut ce qui éloigne le repas de l’équilibre, et boire plus de soda le tire vers la gauche, ce qui l’éloigne encore plus de l’équilibre.

Par contre en rajoutant le dessert, le repas devient équilibré mais en l’occurence il s’agit de sucres à assimilation rapide, peu recommandés par les diététiciens...


Cet article, portant sur les barycentres, peut éventuellement servir à expliquer celui sur l’IMC...


[1choisi arbitrairement comme l’image du grand triangle par l’homothétie de centre le repas recommandé par l’OMS et de rapport 0,1.

[2ce procédé permet de réaliser des jeux vidéos sous CaRMetal en JavaScript, le but du jeu étant qu’un point soit à l’intérieur d’une cible polygonale ou circulaire.


Commentaires

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samedi 10 octobre 2009 à 10h07 - par  Alain BUSSER

La genèse de cet exercice est intéressante à conter :

En 1983, à Cachan, je participais en tant qu’élève-professeur à un atelier de pédagogie des maths animé par Jacques Lubczanski, qui lors de la première séance cherchait à former des groupes de stagiaires et trouver des exercices à leur faire produire. Mon voisin, Gépie Bouvier, a été le premier à se lancer, en soumettant l’idée que chaque aliment peut être représenté dans l’espace par un point dont les coordonnées sont les quantités de protides, glucides et lipides. J’ai surenchéri en signalant que si on parle de pourcentages et non de quantités, on est dans un plan, d’équation x+y+z=1. Jacques Lubczanski m’a alors envoyé au tableau pour dessiner ce plan en perspective. Son commentaire a alors été « bravo Alain, tu viens de réinventer les coordonnées barycentriques dans un triangle ». Le but de cette basse flatterie était évidemment de me faire accepter de travailler en groupe avec mon voisin pour pondre un exercice là-dessus, qu’il a d’ailleurs testé sur sa classe de Terminale... Une semaine après l’exo était fini, exposé et un compte-rendu rédigé. Ce compte-rendu je l’ai vu en 1984 lors de la journée Portes Ouvertes de l’ENS Cachan, avec les trois noms d’auteurs :

  • Gépie Bouvier
  • Alain Busser
  • Jacques Lubczanski

L’exercice en question, je l’ai ensuite perdu de vue mais j’ai entendu dire qu’il avait été recyclé en l’une des nombreuses « fiches de cuisine de Tonton Lulu ». Ce qui explique sans doute que dans les années 1990 je l’aie revu dans un manuel scolaire de Quatrième, sans nom d’auteur juste pour faire croire qu’il était des auteurs du livre, mais copié texto sur l’exercice de 1983. Oui, des barycentres en quatrième dans les années 1990 !

Ceci dit la version ci-dessus en géométrie dynamique, c’est quand même autre chose que l’ancien article, statique.

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samedi 10 octobre 2009 à 10h06 - par  Alain BUSSER

Une remarque sur le végétarisme : En mettant le curseur « viande » à zéro, on trouve plein de manières différentes pour obtenir un repas équilibré sans viande... Il y a une énorme antinomie entre les messages des diététiciens (pas plus de deux repas de viande par semaine) et l’attitude affolée de ceux qui sautent un repas de viande, attentifs au moindre signe d’inanition : Comment ce qui est recommandé pourrait-t-il être un danger ? Combien de diététiciens mangent-ils de la viande moins de deux fois par semaine ? Comment expliquer que, se privant de viande depuis des années voire des décennies, des gens comme Anthony Hopkins, Samuel L. Jackson, Jean-Claude Van Damme, B. B. King, Carl Lewis, Brian May, Steve Vai ou Paul McCartney, qui n’a pas mangé de viande depuis 40 ans, soient non seulement toujours en vie mais même en plutôt bonne santé (B. B. King est octogénaire !) ? Est-ce que ces gens ont un métabolisme exceptionnel qui leur permet de faire ce que le commun des mortels ne peut pas, à savoir se priver de viande riche en oméga-6 sans en mourir ?

Il y a un parallèle à faire sur l’idée reçue selon laquelle l’ingestion de viande en grande quantité est vitale pour l’être humain, et celle selon laquelle on ne peut faire d’informatique sans utiliser les produits de Redmont... Dans les deux cas, le cerveau dit qu’on sait bien qu’il est possible de s’en passer, et en même temps le coeur dit exactement le contraire...

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