Interprétation et modèles en géométrie (Partie 3)

Exemple du cas elliptique réel en relation avec le cas euclidien
dimanche 31 mai 2009
par  Yves MARTIN

Cette partie est consacrée à une première rencontre entre la géométrie euclidienne et la géométrie elliptique. Un même terme va être interprété par le même objet mathématique pour ces deux géométries, tout en fonctionnant différemment, parce qu’un autre terme premier, plus élémentaire, est, lui, interprété autrement.

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Le cas fini était intéressant pour la richesse des interprétations, parfois spécifiques de chaque géométrie étudiée. Nous abordons désormais le cas des géométries métriques classiques sur R : elliptique, euclidienne et hyperbolique, avec par exemple comme caractéristique, respectivement :
• elliptique : pas de parallèle
• euclidienne : une parallèle à une droite issue d’un point
• hyperbolique : deux parallèles à une droite issue d’un point.

ou encore, sur la somme des angles d’un triangle
• elliptique : supérieure à deux droits
• euclidienne : égale à deux droits
• hyperbolique : inférieure à deux droits.

Nous n’allons pas dans cette partie étudier les géométries pour elles-mêmes mais poursuivre sur ces questions d’interprétation essentiellement autour des points et les droites.
Parfois des objets plus sophistiqués vont être utilisés. Dans ce cas, la question de leurs constructions n’est pas importante ici, elle sera abordée dans d’autres articles ultérieurement.

1. Trois géométries bornées par un même cercle

Chacun a entendu parler du disque de Poincaré comme modèle de la géométrie hyperbolique. Dans ce même cercle, nous allons installer aussi la géométrie elliptique et, moins classique, la géométrie euclidienne. C’est dans cette rencontre que la question de l’interprétation prend un sens nouveau. Nous allons le voir sur les points, les droites et l’orthogonalité.

Micro rappel sur le modèle elliptique
Il provient d’une projection stéréoscopique de la sphère issue du pôle Nord sur le plan orthogonal en le pôle sud. La sphère serait une géométrie elliptique avec ses grands cercles comme droites, mais il manque l’incidence dans le cas de points diamétralement opposés. C’est la raison pour laquelle on s’intéresse à une demi-sphère et que l’on doit de plus identifier sur son équateur les points diamétralement opposés. D’où le modèle plan suivant :

<carmetal|doc=564|largeur=814|hauteur = 587>

2. Milieux elliptiques et euclidiens

Puisque nous venons de voir que le même arc de cercle peut être interprété comme droite elliptique ou comme droite euclidienne, il est intéressant d’y mêler les deux géométries. On l’a fait dans la figure suivante sur les milieux pour faire fonctionner la nuance d’interprétation qu’il y a sur les points du cercle horizon :

<carmetal|doc=565|largeur=790|hauteur = 523>

Le dernier item sur les triangles peut surprendre à première lecture. La géométrie elliptique est bornée (toutes les droites ont une longueur de mesure π). Aussi, étant donnés deux points A et B, la plus courte distance de A à B — ce que l’on appelle le segment elliptique — est soit « intérieur », soit « extérieur », en passant par l’horizon, avec identification des points diamétralement opposés. Ceci explique les formes possibles des triangles. Précisons que l’axiome de Pasch est implicitement utilisé chez Euclide dès la 7e proposition pour montrer que l’intersection de deux cercles comprend au plus deux points. Dans le cas elliptique l’intersection de deux cercles peut comprendre quatre points, et donc la géométrie elliptique diffère de la géométrie euclidienne très très vite.

3. Incidence et polarité elliptique

Et pourtant, dans un certain sens, cette géométrie est aussi un paradis pour le géomètre car tout y est possible et simple pour peu qu’on en apprenne les règles. C’est en effet une géométrie projective (au sens donné à la partie 1) doté d’une structure d’orthogonalité riche. La dualité point/droite sur l’incidence et l’orthogonalité produit des résultats — et rapidement des réflexes — particulièrement efficaces, comme celui-ci :

<carmetal|doc=566|largeur=666|hauteur = 410>

La richesse de la dualité elliptique va poser des difficultés dans l’émergence d’une axiomatique absolue qui rende compte d’une géométrie non encore différenciée et contenant en germe — par ajout d’axiomes — les trois [1] géométries classiques. L’axiomatique devra être assez riche pour permettre les trois géométries (il faut donc chercher des invariants) et suffisamment souple pour qu’une symétrie orthogonale puisse aussi être une rotation (ou encore une droite un point).

La question renvoie aussitôt à celle de l’incidence. Car, comme on le voit sur ce modèle, il est naturel de considérer le pôle P d’une droite d comme un point n’appartenant pas à la droite alors qu’en terme de transformation P = d. Ainsi faudra-t-il exclure de l’incidence, le cas de la polarité.

(L’article est court car les deux premières figures sont lourdes, on retrouvera la suite, sur l’hyperbolique, dans la partie 4.)

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[1Dans les présentations universitaires, on a une axiomatique pour l’euclidien et l’hyperbolique ensemble, l’elliptique est généralement traité à part à cause de cette difficulté : pas de demi-droite, pas véritablement de symétrie orthogonale, ce qui complexifie une présentation unificatrice.


Documents joints

Intro 3Geom Bornées
Milieux euclidiens et hyperboliques
IncidencePolePolaire

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