Inversion triangulaire

mercredi 6 mai 2009
par  Alain BUSSER

Comme le nombre de monômes en $(x,y)$ de degré $n$ est $n+1$ (facile à compter, par exemple pour le degré 2 on a $x^2$, $xy$ et $y^2$), le nombre de monômes de degré inférieur ou égal à $n$ est le $(n+1)$ième nombre triangulaire $\frac{(n+1)(n+2)}{2}$ (car c’est la somme des précédents). Le nombre de coefficients d’une courbe algébrique de degré $n$ est donc $\frac{(n+1)(n+2)}{2}$ (par exemple pour une droite on a trois coefficients : $ax+by=c$). Et comme une telle équation est déterminée à un facteur près, il faut $\frac{(n+1)(n+2)}{2}-1=\frac{n(n+3)}{2}$ points pour définir une courbe de degré $n$.

Ainsi il faut

  • 2 points pour une droite
  • 5 points pour une conique
  • 9 points pour une cubique
  • 14 points pour une quartique
  • 20 points pour une quintique
  • 27 points pour une sextique
    etc.

Pas facile de tracer ne serait-ce qu’une quartique ! Un bon moyen pour obtenir une quartique est de définir l’image d’une conique par une transformation quadratique (qui double le degré). En voici une, qui de surcroit est involutive :

Étant donné un triangle ABC, pour tout point M du plan non situé sur les côtés de ABC, on peut projeter M orthogonalement M sur les côtés. Et si M n’est pas non plus sur le cercle circonscrit à ABC, les trois projetés orthogonaux forment un triangle appelé triangle podaire de M [1].

triangle podaire

Par exemple :

  • Le triangle podaire de l’orthocentre est le triangle orthique de ABC.
  • Le triangle podaire du centre du cercle circonscrit est le triangle des milieux du triangle ABC.
  • Le triangle podaire du centre du cercle inscrit a pour sommets les points de contact du cercle inscrit avec les côtés, et il est donc inscrit dans le cercle inscrit.

Le cercle circonscrit au triangle podaire de M s’appelle cercle podaire de M :

cercle podaire

Exemples :

  • Le cercle podaire de l’orthocentre est le cercle d’Euler de ABC (puisqu’il passe par les pieds des hauteurs)
  • Le cercle podaire du centre du cercle circonscrit passe par les milieux des côtés ; c’est donc aussi le cercle d’Euler de ABC.
  • Le cercle podaire du centre du cercle inscrit est ... le cercle inscrit !

Maintenant il résulte du théorème de Bézout que le cercle podaire de M recoupe chaque côté de ABC en un deuxième point ce qui définit trois nouveaux points sur le triangle. Or les perpendiculaires aux côtés en ces trois points sont concourantes :

inverse triangulaire

Définition :

Le point de concours de ces trois droites s'appelle l'inverse triangulaire de M.

(En fait il dépend de M mais aussi du triangle). L’inversion triangulaire est une involution ($f \circ f=Id$) et elle est définie pour tout M qui n’est ni sur les côtés du triangle (vus comme des droites) ni sur le cercle circonscrit.

Exemples :

  • On a vu ci-dessus que le centre du cercle circonscrit et l’orthocentre sont inverses l’un de l’autre.
  • On a vu également que le centre du cercle inscrit est son propre inverse.
  • De même, les centres des cercles exinscrits sont leurs propres inverses.

On peut également interpréter l’inverse d’un point de la manière suivante :

Pour tout point M ailleurs que sur les côtés et le cercle circonscrit, il n’existe qu’une seule conique de foyer M tangente aux trois côtés. L’ inverse de M est alors l’autre foyer de cette conique : (agiter M dans tous les sens, ça fait du bien et c’est joli tout plein : C’est la trigonothérapie !)

double foyer

En particulier, le cercle inscrit peut être considéré comme une ellipse dont les deux foyers sont confondus.

L’inversion triangulaire semble mériter un diaporama CarMetal à elle seule :

Le voici sur le site de CarMetal

Sur la géométrie du triangle, l’encyclopédie de ses points remarquables est elle-même remarquable (il y en a actuellement 5314 !)


[1Si M est sur le cercle circonscrit, les projetés sont alignés, ce qui définit la Droite de Simson du point M, mais ceci est une autre histoire...


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