Comme le nombre de monômes en $(x,y)$ de degré $n$ est $n+1$ (facile à compter, par exemple pour le degré 2 on a $x^2$, $xy$ et $y^2$), le nombre de monômes de degré inférieur ou égal à $n$ est le $(n+1)$ième nombre triangulaire $\frac{(n+1)(n+2)}{2}$ (car c’est la somme des précédents). Le nombre de coefficients d’une courbe algébrique de degré $n$ est donc $\frac{(n+1)(n+2)}{2}$ (par exemple pour une droite on a trois coefficients : $ax+by=c$). Et comme une telle équation est déterminée à un facteur près, il faut $\frac{(n+1)(n+2)}{2}-1=\frac{n(n+3)}{2}$ points pour définir une courbe de degré $n$.
Ainsi il faut
2 points pour une droite
5 points pour une conique
9 points pour une cubique
14 points pour une quartique
20 points pour une quintique
27 points pour une sextique
etc.
Pas facile de tracer ne serait-ce qu’une quartique ! Un bon moyen pour obtenir une quartique est de définir l’image d’une conique par une transformation quadratique (qui double le degré). Cet article en décrit une une, qui de surcroit est involutive : l’inversion triangulaire (ou conjugaison isogonale), découverte par Émile Lemoine en 1873, et qui a un lien surprenant avec les coniques inscrites dans le triangle.
Dans la figure ci-dessous, les droites en bleu sont concourantes : rien de surprenant puisque ce sont les bissectrices intérieures du triangle ABC, et se coupent donc en I, centre du cercle inscrit. Les segments verts, qui sont les médianes, sont également concourants (en G, centre de gravité du triangle ABC) :
Les segments rouges, qui sont les symétriques des médianes par rapport aux bissectrices (Maurice d’Ocagne les a baptisées symédianes), sont aussi concourants. Leur point commun, que Maurice d’Ocagne a appelé point de Lemoine, est un point remarquable du triangle ABC, au même titre que l’orthocentre H...
Voici déjà une première apparition du point de Lemoine (noté K dans la suite) :
Théorème de Brianchon-Poncelet : Si les points A, B et C sont sur une hyperbole équilatère, alors l’orthocentre H du triangle ABC est aussi sur cette hyperbole équilatère.
On en déduit un algorithme de construction d’une hyperbole équilatère circonscrite à ABC : il suffit de construire une conique passant par A, B, C, H et un autre point :
-* Si cet autre point est G, on obtient l’hyperbole de Kiepert.
-* Si cet autre point est O (centre du cercle circonscrit), on obtient l’hyperbole de Jeřábek.
-* Si cet autre point est K (point de Lemoine), on obtient aussi l’hyperbole de Jeřábek !
En effet l’hyperbole de Jeřábek passe par beaucoup de points remarquables du triangle :
On reverra l’hyperbole de Jeřábek plus bas, mais il est temps maintenant de commencer le film (le point de Lemoine n’était que la bande annonce d’un autre film) :
Étant donné un triangle ABC, pour tout point M du plan non situé sur les côtés de ABC, on peut projeter M orthogonalement sur les côtés. Et si M n’est pas non plus sur le cercle circonscrit à ABC, les trois projetés orthogonaux forment un triangle appelé triangle podaire de M [1].
triangle podaire
Par exemple :
Le triangle podaire de l’orthocentre est le triangle orthique de ABC.
Le triangle podaire du centre du cercle circonscrit est le triangle des milieux du triangle ABC.
Le triangle podaire du centre du cercle inscrit a pour sommets les points de contact du cercle inscrit avec les côtés, et il est donc inscrit dans le cercle inscrit.
Le cercle circonscrit au triangle podaire de M s’appelle cercle podaire de M :
Exemples :
Le cercle podaire de l’orthocentre est le cercle d’Euler de ABC (puisqu’il passe par les pieds des hauteurs)
Le cercle podaire du centre du cercle circonscrit passe par les milieux des côtés ; c’est donc aussi le cercle d’Euler de ABC.
Le cercle podaire du centre du cercle inscrit est ... le cercle inscrit !
Maintenant il résulte du théorème de Bézout que le cercle podaire de M recoupe chaque côté de ABC en un deuxième point ce qui définit trois nouveaux points sur le triangle. Or les perpendiculaires aux côtés en ces trois points sont concourantes :
Définition :
Le point de concours de ces trois droites s'appelle l'inverse triangulaire de M.
(En fait il dépend de M mais aussi du triangle). L’inversion triangulaire est une involution ($f \circ f=Id$) et elle est définie pour tout M qui n’est ni sur les côtés du triangle (vus comme des droites) ni sur le cercle circonscrit.
L’inverse triangulaire d’un point s’appelle également son conjugué isogonal.
Exemples :
On a vu ci-dessus que le centre du cercle circonscrit et l’orthocentre sont inverses l’un de l’autre.
On a vu également que le centre du cercle inscrit est son propre inverse.
De même, les centres des cercles exinscrits sont leurs propres inverses.
On peut également interpréter l’inverse d’un point de la manière suivante :
Pour tout point M ailleurs que sur les côtés et le cercle circonscrit, il n’existe qu’une seule conique de foyer M tangente aux trois côtés. L’ inverse de M est alors l’autre foyer de cette conique : (agiter M dans tous les sens, ça fait du bien et c’est joli tout plein : C’est la trigonothérapie !)
En particulier, le cercle inscrit peut être considéré comme une ellipse dont les deux foyers sont confondus.
Plus généralement, chaque fois qu’on connaît une paire de points inverses triangulaires l’un de l’autre, ils sont foyers d’une conique inscrite.
les points O et H sont les foyers de la conique de MacBeath :
les points G et K sont les foyers de l’ellipse de Lemoine :
la conique K est tangente au triangle en les pieds des hauteurs. Elle porte son nom du fait que son centre est le point de Lemoine K :
l’ellipse de Steiner est tangente aux côtés du triangle en leur milieu :
L’inverse triangulaire d’une courbe de degré d est, en général, une courbe de degré 2×d. Mais il y a des exceptions, puisque l’inversion triangulaire est une involution. En particulier, l’inverse de l’hyperbole de Jeřábek est une droite : la droite d’Euler du triangle !
L’IREM de Limoges a réussi à inscrire au P.A.F. une journée de présentation de DGPad ; la tortue y a eu un franc succès. Voici le compte-rendu. Il y a des ressources à réinvestir en classe, n’hésitez pas à y puiser !
La révolution tactile, toute naissante, en est probablement à ses premiers balbutiements. Et pourtant, ses premières réalisations contiennent déjà de petits bijoux. C’est le cas, pour ce qui est de la géométrie dynamique, de DGPad. En deux articles sur MathémaTICE, Yves Martin propose un vaste tour d’horizon de cette nouvelle application.
Myriam Bouloc Rossato et Jean-Jacques Dahan ont conçu un scénario interactif pour enseigner les notions de périmètre, d’aire et de volume au collège à l’aide de la géométrie dynamique (Cabri 2Plus et Cabri 3D). Le document s’appuie sur des figures animables en ligne et sur des vidéos postées sur YouTube.
Notre collègue Jean-Louis Ayme est à l’honneur : il vient de publier un nouveau théorème, le « théorème d’Ayme » ou « théorème des quatre points ».
Deux nouveaux points remarquables du triangle, les points X3610 et X3611, lui ont été attribués - ainsi qu’à Peter Moses - par Clark Kimberling dans son Encyclopedia of Triangle Centers.
Geometry Géométrie Geometria est un site extrêmement riche réalisé par Jean-Louis Ayme : entièrement consacré à la géométrie du triangle, il mérite d’être visité longuement.
On pourra lire notamment le très attrayant volume 20 sur les cercles inscrits égaux, qui fait écho à des articles déjà publiés sur le site de l’IREM.
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