Dans cet article, on décrira 4 jeux où le nombre de graines sur le plateau est constant (comme dans les jeux de type solo), où aucune capture n’est effectuée, et qui aident néanmoins à construire le nombre :
Le jeu Sowing, inventé par John Conway, qui a déjà été testé en GS avec succès,
Le jeu chungkala, inédit à ce jour (créé en mai 2024) et qu’il reste à expérimenter,
le jeu katro bevohoka, pratiqué par les enfants merina pour l’apprentissage du katro, qui peut aussi se jouer en solitaire.
Cet article et son contenu sont placés sous licence CC-By-SA ce qui signifie qu’on peut faire ce qu’on veut avec, du moment qu’on ne prétende pas en être l’auteur et n’en fasse pas un produit propriétaire.
Sowing
Pour jouer à Sowing, on place des graines dans des cases alignées (situées entre les deux joueurs qui se font face), puis chaque joueur à son tour
choisit une case non vide,
prend en main toutes les graines qui étaient dans cette case,
pose une des graines dans la case voisine (de droite),
puis une autre graine dans la voisine de la voisine,
etc jusqu’à ce qu’il ne reste plus de graine à semer.
Si la case où la dernière graine a été semée, était vide (de sorte que maintenant elle ne contient que cette dernière graine semée), ou en dehors du plateau de jeu, alors on a perdu.
Peu de jeux ont une règle aussi simple, et une partie de Sowing dure en général moins d’une minute (ce temps dépend de la configuration initiale). Ce jeu est donc bien adapté à des élèves de GS, qui très rapidement
passent de « si la dernière graine tombe dans une case vide alors j’ai perdu », à « si je ne peux pas jouer sans que la dernière graine tombe dans une case vide alors j’ai perdu »,
puis à « si je peux m’arranger pour que mon adversaire ne puisse pas jouer sans que la dernière graine tombe dans une case vide alors j’ai gagné ».
Le jeu est plus tactique que stratégique, et fait rapidement appel à la comparaison entre le nombre de graines dans une case (représentation cardinale) et l’endroit où tombera la dernière graine (représentation ordinale du même nombre).
Un alignement de cases peut être dessiné sur une feuille, recréé par des soucoupes alignées, ou imprimé en 3D (comme sur la photo qui ouvre cet article). Mais en coupant en deux un bac à glaçons, on obtient 2 plateaux de jeu, permettant donc d’occuper 4 élèves. Avec une boîte d’œufs on peut aussi obtenir des plateaux de Sowing.
Voici des plateaux de Sowing, au format A4, à imprimer (cliquer sur l’image pour accéder au pdf) :
Les graines à semer peuvent être des billes à jouer, des cailloux (par exemple pour la version jeu de plage), des bouts de papier, ou bien évidemment des graines (haricots, noyaux de litchee, voire les classiques graines de cæsalpinia bonducelli). Attention à ce que les élèves n’essayent pas de mettre dans la bouche les graines à semer.
Les grilles ci-dessus peuvent servir de plateaux de jeux avec des jetons (empilés) en guise de graines.
Le jeu Sowing est donc intéressant à jouer en GS, puisqu’il permet de faire travailler plusieurs représentations de petits nombres et ne dure pas assez longtemps pour relâcher l’attention. En plus, on peut y relier des activités de résolution de problèmes (comment placer les graines au début pour que le jeu dure quand même un peu, etc). Voici un livret d’activités sur ce jeu. Le livret est sous licence CC-By-SA ce qui veut dire qu’il est libre d’utilisation [1], à condition qu’on le laisse libre :
(cliquer sur le dessin pour avoir le livret au format pdf)
On peut jouer en ligne sur un des plateaux suivants :
Sowing a donc, en fin de GS, toutes les conditions requises pour être qualifié de jeu idéal pour construire le nombre. En début de GS, un problème inattendu se présente : peu d’élèves sont latéralisés à cet âge, en particulier
il y en a qui ne distinguent pas encore la gauche de la droite,
il y en a beaucoup qui ne distinguent pas les expressions « à droite » et « vers la droite »,
il y en a qui, en entendant « de gauche à droite », n’entendent que le mot « gauche ».
Les plateaux de jeu avec des flèches (voir la partie « matériel ») ont été créés pour aider à mieux se rappeler dans quel sens on doit semer. Mais un autre jeu échappe à cet obstacle de la non-latéralisation des élèves de MS :
Sowing bilatéral
Le même John Conway a inventé une variante de Sowing, où on peut semer dans le sens qu’on veut, à condition que la dernière graine ne sorte pas du plateau et ne tombe pas dans une case vide. Cette variante, créée pour limiter le risque qu’un avantage trop grand soit donné à un joueur, permet aussi de rendre le jeu résistant à cette manie qu’ont certains élèves de MS ou début de GS, de tourner le plateau de jeu de 180°, ce qui, avec Sowing, revient à tricher, alors que pour le Sowing bilatéral la rotation de 180° ne modifie pas les chances de gain des joueurs.
Au XIXe siècle, l’occident découvrait les civilisations du sud-est asiatique, et en particulier les jeux comme le Congklak de Malaisie (Singapour compris), le Chungka des Philippines et même une version des Mariannes (ce qui fait de ce genre de jeu de semaille, le plus oriental des jeux de semailles). L’originalité de ces jeux du sud-est asiatique est que le semis se fait non seulement dans les cases du plateau de jeu, mais également dans le réservoir de chaque joueur, ce qui permet de mettre à l’abri quelques graines qui ne seront plus capturables au cours du jeu.
Au milieu du XXe siècle, un certain Julius Champion Jr a simplifié le Chongka pour obtenir un jeu dont il est l’auteur (tout en essayant de le faire passer pour un jeu africain) et qu’il a baptisé Kala. voici le brevet :
Le Kala, quoique plus simple que le Chongka, utilise des captures puisque le gagnant est celui qui capture le plus grand nombre de graines. Ce jeu est encore aujourd’hui très pratiqué aux USA, pour la construction du nombre. Il y a même des tournois intra et inter écoles ! En lisant la règle du jeu un peu trop vite, j’ai compris (à tort) que c’est le fait de semer dans son réservoir mais pas dans celui de l’adversaire, qui permet de gagner au Kala. Ce n’est pas exactement (ou pas seulement) le cas, mais de ce bug de lecture, résulte un nouveau jeu que j’ai donc décidé d’appeler Chungkala qui est un hommage à deux de ses ancêtres, le Chungka et le Kala.
N’ayant pas envie de breveter ce jeu, j’ai décidé de le placer sous licence libre CC-By-SA ce qui autorise tout un chacun à le fabriquer, le vendre etc à la seule condition de ne pas prétendre en être l’auteur.
Dans le jeu ci-dessus, Sud a gagné parce que son réservoir (à droite) contient 5 graines alors que le réservoir de Nord (à gauche) n’en contient que 2.
Chongkala se joue sur un plateau qui ressemble un peu à celui d’awalé, à ceci près que les réservoirs (où, normalement, on devait stocker les graines capturées) font intégralement partie du plateau de jeu, d’ailleurs on sème aussi dans ces réservoirs.
Le réservoir du sud est à l’Est et le réservoir de Nord est à l’Ouest, parce que chaque joueur sème d’abord de gauche à droite (sauf lorsque le semis déborde sur les cases de son adversaire).
Le jeu comporte deux variables didactiques :
le nombre de graines par case avant de jouer,
le nombre de colonnes.
Ce nombre de colonnes conditionnant la forme du plateau, il peut s’avérer nécessaire d’expérimenter sur diverses combinaisons des variables didactiques avant de lancer la fabrication du plateau avec une imprimante 3D, une machine à usiner le bois, ou une machine à découpe laser.
Voici un simulateur de chongkala, à utiliser avec ludii.
Voici des plateaux de jeu à imprimer, de taille différente :
2 colonnes
3 colonnes
5 colonnes
6 colonnes
Voici un plateau de jeu pour le chongkala à 4 colonnes :
Chaque joueur possède les cases les plus proches de lui, ainsi que d’un réservoir qui est à sa droite. Au début du jeu, on dispose des graines (ici, 2) dans chaque case autre que les réservoirs :
Chaque joueur, lorsque c’est à son tour de jouer,
choisit une case non vide dans son camp (autre que le réservoir, celui-là on ne fait qu’y ajouter des graines),
vide la case en mettant toutes les graines dans sa main,
pose une des graines dans la case voisine de droite,
puis une autre graine dans la voisine de la voisine etc
jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de graine dans sa main.
Par exemple, au début du jeu, si Sud choisit la case de gauche :
Alors comme cette case contient deux graines, il sème ces deux graines
et la dernière graine tombe à la troisième case :
Que se passe-t-il s’il y a plus de graines à semer, que de cases disponibles à la droite de la case choisie ? On distingue plusieurs cas. Déjà, s’il y a juste une graine de plus que de cases disponibles à droite de la case choisie, cette graine va dans la réserve, qui est considérée comme un prolongement de la rangée de cases. Par exemple s’il y a 4 graines à semer depuis une case qui se trouve à 4 cases de la réserve :
alors la dernière graine tombe dans la réserve :
La réserve contient maintenant une graine, mais surtout lorsque la dernière graine d’un semis tombe dans la réserve, le joueur rejoue.
Et s’il y a nettement plus de graines à semer, que de cases disponibles à droite de la case choisie ? On sème jusqu’à la réserve, puis on continue dans le camp de l’adversaire, mais de droite à gauche. Par exemple, soit à semer 4 graines depuis l’avant-dernière case à droite :
Alors une graine va dans la case de droite, puis une autre va dans la réserve, une autre va dans la case de droite côté adverse, et la dernière va dans l’avant-dernière case à droite côté adverse :
On termine le coup sur une case vide en face d’une case à 4 graines (dont celle qui vient d’y tomber) :
S’il y a vraiment beaucoup de graines à semer, une fois qu’on est arrivé à la case tout à gauche du côté adverse, on continue à semer à partir de sa propre case de gauche. On sème dans sa réserve mais pas dans celle de l’adversaire. On ne saute pas la case d’où a démarré le semis, on sème dedans comme dans les autres. La seule case où on ne sème pas est la réserve de l’adversaire.
Si la dernière graine tombe dans la réserve, on rejoue. Et si, en rejouant, on arrive à nouveau à finir son semis dans sa réserve, on rejoue encore. En fait on rejoue jusqu’à ce que la dernière graine ne tombe pas dans la réserve. Avec des situations comme à Tchoukaillon, on peut donc en un seul tour, placer beaucoup de graines dans sa réserve.
Au début d’un tour de jeu, le joueur choisit une case non vide de son camp et sème les graines de cette case, dans le sens antihoraire, en passant au besoin par sa réserve. Mais que se passe-t-il s’il n’y a pas de case non vide dans le camp du joueur qui a la main ? Lorsqu’un joueur ne peut plus jouer parce que sa rangée est vide, le jeu est terminé.
Une fois que le jeu est terminé, on compare les deux réservoirs, et le gagnant est celui qui a le plus de graines dans sa réserve. Si jamais il y a autant de graines dans les deux réserves (rare), celui qui a encore des graines dans son camp a gagné.
On joue à ce jeu sur un plateau de katro, mais sans effectuer de capture.
Voici un plateau de katro (des plateaux, soit 24 cases) :
Et un plateau de katro pour les enfants (4 colonnes soit 16 cases) :
Un clic sur une des vignettes ci-dessus permet de télécharger un pdf, qu’il ne reste plus qu’à imprimer.
Au début du jeu, il y a deux graines par case (donc 24 graines par joueur sur le plateau des plateaux à 24 cases) et une des cases est désignée comme étant celle à remplir. Pour simplifier, on suppose ci-dessous que c’est la case coloriée en vert.
Ensuite, à chaque tour de jeu, on
choisit une case non verte,
choisit un sens de semaille pour le tour de jeu,
prend dans sa main toutes les graines qui étaient dans la case choisie,
sème ces graines dans le sens choisi, une par une,
si la dernière graine de ce semis élémentaire arrive dans une case vide ou dans la case verte, on a fini le tour de jeu ;
sinon on prend toutes les graines de la case d’arrivée, et on les sème dans le même sens, et ainsi de suite jusqu’à ce que la dernière graine soit dans une case vide ou dans la case verte.
Le but du jeu est d’arriver à mettre toutes les graines dans la case verte (d’où le nom du jeu katro bevohoka, le mot bevohoka désignant une femme très enceinte).
Voici des webapps permettant de jouer à ce jeu sans disposer du matériel :
Une fois qu’on s’est entraîné à la version à un joueur, on peut essayer la version à deux joueurs, qui fonctionne de la même manière, à ceci près que chacun son tour fait un tour de jeu, et que le premier qui a fini a gagné le jeu. Il ne s’agit donc pas de mettre toutes les graines dans la case verte, mais de le faire avec le moins de coups possible. On peut aussi en faire une version tournoi, où chaque joueur essaye de mettre toutes les graines dans sa case désignée en un laps de temps prédéfini, et ensuite on départage ceux qui ont réussi, en déclarant vainqueur celui qui a fait le moins de coups possible.
Le village d’Ambohimanga se trouve à une dizaine de kilomètres au Nord d’Antananarivo. On y joue à une version légèrement différente du katro bevohoka :
Le sens de semis est défini une fois pour toutes au début du jeu, et reste le même tout au long du jeu.
On choisit la case à remplir avant de jouer.
Une fois la case à remplir et le sens de semis choisi, on vide la case spéciale en plaçant ses deux graines dans les deux cases suivantes.
Si la dernière graine d’un semis élémentaire tombe dans la case spéciale, le tour de jeu s’arrête.
Si la dernière graine du semis élémentaire tombe dans une case vide, on transfère cette graine dans la case spéciale puis le tour de jeu est terminé.
Sinon on recommence à semer, depuis la case où est tombée la dernière graine du semis élémentaire de la phase précédente du tour de jeu.
Voici des webapps permettant de s’entraîner à cette version :
Les lecteurs attentifs des futurs programmes de la maternelle, qui rentreront en vigueur à la rentrée 2015, ont pu remarquer qu’ils reprennent les positions défendues par Rémi Brissiaud depuis des années sur la construction du nombre. Le site de la CFEM (Commission française pour l’enseignement des mathématiques) propose une page résumant le débat sur ce thème, avec deux contributions de ce chercheur.
Le thaMographe, médaille d’or au Concours Lépine européen 2013, est un instrument pratique, peu cher, performant, qui remplace à lui seul les quatre outils usuels de géométrie (compas, règle graduée, équerre, rapporteur). De nombreuses écoles l’on mis sur leur liste de fournitures scolaires. Le site d’accompagnement contient des tutoriels pour une utilisation du primaire au post-bac.
La Cellule de Géométrie (Haute École en Hainaut, Belgique) met à la disposition des professeurs des documents concernant l’enseignement de la géométrie de 5 à 18 ans. L’objectif est de permettre aux élèves de s’approprier progressivement et naturellement la démarche scientifique.
Un Quizz de Mathématiques GRATUIT ne nécessitant que des connaissances élémentaires.
Les objectifs principaux sont de mettre en valeur auprès du grand public la place occupée par les mathématiques dans notre vie de tous les jours, et d’aborder des aspects de la recherche en mathématiques ou liés aux mathématiques, tout en permettant aux participants de s’évaluer sur des questions de mathématiques simples.
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