MPS : Sciences et jardins

mercredi 22 juin 2011
par  Tilagavady GUICHARD

Mise en œuvre du thème « Sciences et jardins » au sein de l’enseignement d’exploration « Méthodes et pratiques scientiques » dans une classe de seconde du lycée Ambroise-Vollard (Saint-Pierre). Projet réalisé en équipe par Tilagavady Guichard (mathématiques), Valérie Zou (SVT) et Jean-Marie Bodin (Sciences Physiques).

Dans l’esprit des textes, il s’agit de « découvrir différents domaines des mathématiques, des sciences physiques et des sciences de la vie et de la terre. (...) Cet enseignement révèle le goût et les aptitudes des élèves pour les études scientifiques, leur donne la possibilité de découvrir des métiers et des formations dans le champ des sciences et les aide à construire leur projet de poursuite d’études en leur faisant mieux connaître la nature des enseignements scientifiques, les méthodes et les approches croisées mises en œuvre. »

L’appropriation des concepts scientifiques passe par la capacité des élèves à lier les notions étudiées avec leur environnement quotidien. La dimension abstraite des mathématiques est parfois un frein à cette approche. Cet enseignement d’exploration présente l’intérêt, dans le cadre d’un projet, d’allier le plaisir de la recherche à la rigueur du raisonnement. C’est la raison pour laquelle, sans idée précise sur les modalités de mise en œuvre, j’ai eu envie d’accepter les doutes et tâtonnements liés à ce travail.

En pratique deux aspects précis ont retenu notre attention et nous ont paru incontournables : l’intervention du professionnel et la réalisation finale.

Nous pouvons distinguer quatre phases dans la réflexion :

  • Avant-projet.
  • Élaboration du projet avec les élèves.
  • Mise en œuvre du projet.
  • Bilan et évaluation

J’ajoute que ce travail fut l’occasion d’échanges professionnels et humains enrichissants.

DU PROJET...
.... À LA RÉALISATION

Avant-Projet

Avant-Projet

L’esprit des attentes est explicité par les textes en ce qui concerne l’enseignement d’exploration MPS, la marche à suivre ne l’est pas. C’est dans une démarche de projet pensé et porté par les élèves que nous avons fait le choix de nous inscrire, le but étant de valoriser imagination et créativité. Toutefois, la réflexion en amont sur les modalités pratiques d’organisation est incontournable.

 Constitution de l’équipe :
L’équipe a été constituée avec Tilagavady Guichard (mathématiques), Valérie Zou (SVT) et Jean-Marie Bodin (Sciences Physiques).

 Choix du thème :
« Sciences et jardins » est une idée que la spécificité de l’île en terme de biodiversité permet d’envisager avec une réelle dimension citoyenne. Le climat de l’île est propice au travail en extérieur toute l’année. C’est donc l’aménagement de quelques espaces du lycée qui constituera la réalisation finale.

 Répartition du volume horaire :
Le volume horaire élève est de 54h pour l’année. Afin de faciliter le travail d’aménagement qui se profile, ces heures ont été réparties en plages de 2h sur 27 semaines. La marge de manœuvre ainsi créée permet une souplesse dans l’organisation des semaines. Concrètement, le projet a démarré quelques semaines après la rentrée.

 Contact avec le professionnel :
Choix d’une architecte paysagiste intéressée par le projet, présentation du lycée et premier regard de professionnel sur les possibilités en termes d’aménagement.

À cette étape de la réflexion, la mise en en œuvre des aspects scientifiques relatifs à l’aménagement n’est certes pas définie quelques pistes de réflexion s’ouvrent :

« Créer un jardin c’est avant tout réfléchir à l’organisation de son espace, à la répartition des volumes… C’est définir des axes de vue, des équilibres, des répartitions de couleurs et de densités …. »

L’esprit du jardin, Louis Benech, Éditions du Chêne, 1998.

Élaboration du projet avec les élèves

Élaboration du projet avec les élèves

L’élaboration d’un projet passe par l’appropriation par les élèves des objectifs visés. Dans cette perspective, les aspects scientifiques ont été pensés pour répondre aux besoins de l’aménagement. La dimension artistique sans cesse sollicitée ne s’opppose plus à la rigueur scientifique, elle l’utilise.
La trame proposée ci-dessous détaille les étapes du travail effectué.

Etape 1 : Présentation du thème choisi « Sciences et œuvres d’art » et regards croisés (approche des mathématiques / approche des SVT)

Le projet « Sciences et jardins » vise à aménager certains espaces choisis du lycée. La réflexion est amorcée sur la forme de la présentation finale (rubrique MPS sur le site du lycée, exposition sur des panneaux à destination des futurs entrants en 2nde).

Etape 2 : Présentation des métiers de l’aménagement paysager (ouvrier, entrepreneur, concepteur) et des étapes d’un aménagement

  • Analyse du paysage environnant
  • Concevoir et mettre en œuvre un plan d’aménagement en relation avec l’utilisation du site et les contraintes climatiques
  • 1re ébauche tenant compte de l’avis des usagers du site
  • Dessins techniques
  • Production et plantation des végétaux
  • Entretien durable des espaces paysagers
Compte-rendu de l’intervention paysagiste

Etape 3 : Réflexion sur les typologies de jardins visant à proposer à ouvrir sur différentes possibilités (jardins suspendus, jardins basés sur des aménagements géométriques, jardins créoles, intégration de structures utilisant des matériaux végétaux ou non-végétaux)

  • Choix de critères de classification
  • Justification des choix
  • Comparaison des critères
  • Réflexion sur la pertinence des différents critères proposés

Etape 4 : Visite de la forêt de Bon Accueil aux Makes (forêt humide de moyenne altitude)

  • Découverte des espèces indigènes et endémiques
  • Faire percevoir un enjeu local : les écosystèmes forestiers indigènes menacés par les plantes exotiques envahissantes.
  • Visite d’ aménagement paysager valorisant les espèces endémiques et indigènes (mairie d’Etang-Salé )
    Intervention d’une association : Amis des Plantes et de la Nature.
Sentier Botanique
Découverte de la forêt de Bon Accueil

Etape 5 :
Dans cette phase de conception, la démarche est imposée aux élèves : elle s’inscrit dans celle du professionnel.

Les contraintes suivantes sont fixées

  • Minimiser le coût
  • Choisir des espèces endémiques et/ou indigènes adaptées au milieu.
  • Privilégier des techniques respectueuses de l’environnement.

Les élèves sont répartis en 3 groupes

  • Chaque groupe doit s’organiser pour proposer un aménagement tenant compte des aspects scientifiques précédemment abordés.
  • A la date fixée, les 3 projets seront présentés devant le chef d’établissement, qui sélectionnera l’un d’eux en accord avec la classe.

Etape 6 :
L’analyse du site donne lieu à différentes activités disciplinaires

En SVT / Sciences Physiques :

  • Répertorier les espèces végétales déjà présentes
  • Profondeur et nature du sol
  • Déterminer l’ exposition au cours de la journée
  • Recherche et sélection de plantes indigènes adaptées au milieu

En Mathématiques :

  • Travaux de repérage à partir des plans du lycée
  • Proportionnalité : passer du plan au terrain et inversement , choix approprié d’indices sur le terrain, choix d’une échelle pertinente.
  • Mieux appréhender l’espace, intégrer des structures non végétales pensées en 3 dimensions dans les espaces ouverts.

Etape 7
Présentation des 3 projets, explicitation des choix

Dans cette phase chaque groupe avait toute latitude pour organiser sa présentation. Il est intéressant de constater que tous ont utilisé un diaporama et se sont appropriés des logiciels de représentation. L’un des groupes nous a fait découvrir un logiciel d’aménagement paysager libre.

Le choix s’est porté sur le projet ci-dessous. Les arguments invoqués par les élèves pour justifier ce choix tenaient compte de la volonté de donner un sens à la réalisation (des X et Y représentant les chromosomes) mais aussi de la forme de la présentation (dynamisme et conviction).

Etape 8 : Nouvelle intervention de la paysagiste
Le manque de précision dans les éléments fournis (nombre de plants, taille et nature des éléments non végétaux, structure centrale), sur le chiffrage ont été pointés. Les spécificités du terrain sont peu intégrées (ensoleillement, vent, …). La vision de l’implantation est plane (pas de plantes grimpantes, peu de jeu sur les hauteurs des différentes plantes).
Cette vision du professionnel a imposé un retour sur le travail, des réajustements, une distanciation nécessaire à tout regard critique.

Les plans ont donc été précisés dans l’idée de permettre aux jardiniers de saisir le projet du concepteur.

Un logiciel d’aménagement paysager en 3D a permis aux élèves de mieux intégrer la 3e dimension dans leur conception.

Mise en œuvre du projet

Mise en œuvre du projet

L’articulation théorie/pratique est un des grands intérêts de la démarche de projet. L’ambition est de mettre en sens, de manière quasi immédiate, les aspects conceptuels évoqués.

Les étapes précédentes ont permis permettent une appropriation progressive du projet. Les élèves intègrent la nécessité d’anticiper mais se montrent impatients de démarrer cette phase de réalisation.

Aspects théoriques en lien avec la SVT :

  • Préparation du sol
  • Réalisation de cultures végétales pour déterminer les conditions de survie d’ une espèce

Le jardinier du lycée a accepté de nous aider sur le terrain, mais a également fait une intervention sur :

  • Les méthodes de transplantation
  • Les différentes techniques de multiplication végétative

Aspects théoriques en lien avec les mathématiques :

Sans se limiter aux outils mathématiques (vus précédemment), la volonté a été de faire des mathématiques pour conceptualiser (algorithmique, modélisation). Cela n’a pas été chose facile, c’est à travers la réalisation de la structure centrale, stylisée dans cette perspective, que cela a été envisageable.

  • Dessin du X stylisé :
  • Approximation des parties de la structure centrale par des fonctions polynômes de degré 2 (utilisation de tableurs, réalisation d’une maquette, optimisation permettant un tracé en atelier)
Fonctions polynomes de degré 2
  • Découverte et tracé des ellipses de la structure par la « méthode du jardinier », écriture d’un algorithme permettant de déterminer la distance focale des différentes ellipses, tracés de gabarits pour l’atelier.
Tracé d’ellipses

De nombreux élèves se sont montrés capables de prendre des initiatives pour effectuer les mesures adéquates, et coder les pièces à assembler.

Dans cette partie, tous les personnels de l’atelier ont partagé leurs connaissances techniques, et nous avons bénéficié de l’aide d’un Assistant d’Education, menuisier de formation. La réalisation se met en place progressivement.

Bilan et évaluation

Bilan et évaluation

Un bilan qui ne s’appréhende qu’au regard de la manière dont nous avons choisi d’appréhender cet Enseignement d’Exploration : un projet porté par les élèves.

Du point de vue des élèves

  • Intérêt croissant pour tous mais investissement inégal dans la classe
  • Appropriation progressive du projet par une majorité d’élèves impatients de démarrer la phase de réalisation (surtout les filles)
  • Découverte d’un champ professionnel pouvant offrir des débouchés dans le contexte réunionnais.
  • Eveil de la curiosité des autres élèves du Lycée concernant les MPS.

Du point de vue du professeur

De réelles difficultés :

  • Réajustements perpétuels
  • Frustration liée aux différentes tentatives visant à intégrer des éléments disciplinaires niveau lycée.
  • Liens difficiles à établir avec l’enseignement disciplinaire. Les mathématiques sont souvent mal appréhendées car trop abstraites, l’Enseignement d’Exploration contribue à établir des liens avec la réalité. Il me semble donc indispensable que celui-ci soit assuré par le professeur de mathématiques de la classe.

Des points forts :

  • Développer des attitudes citoyennes (réflexions scientifiques sur la biodiversité et le développement durable, renforcer les liens au sein de la communauté éducative)
  • Situer son action dans un cadre plus large.
  • Développer la capcité d’anticipation.
  • Sensibiliser à l’environnement
  • Donner du sens aux mathématiques

Activités mathématiques envisagées l’année prochaine

  • Modélisation d’un choix aléatoire de quadrats :
    EXTRAIT RAPPORT INVABIO Avril 2005– RECHERCHE INVASIONS BIOLOGIQUES- « L’échantillon de base est une placette de 10 x 20 m (200 m2). Un traitement différent est appliqué dans chacune des placettes. Dans chaque placette, 10 quadrats de 1 m2 (5 % de la surface) sont implantés de façon aléatoire. Dans chacun des quadrats sont relevés l’abondance, la richesse spécifique et la survie des espèces végétales. »
    Exploitation en mathématiques par la recherche d’un modèle et l’écriture d’un alogorithme.
  • Réflexion en cours sur un travail visant à modéliser l’expansion d’espèces indigènes et d’espèces invasives pour sensibiliser à la biodiversité (recherche de données au CIRAD-Réunion)

Prolongements

Trouver le moyen de présenter le travail effectué en MPS aux élèves sortants de collège afin de ne pas limiter le choix de cet Enseignement d’Exploration à des élèves se destinant aux filières scientifiques.

Évaluation

La question de l’évaluation a été très difficile à mettre en place en cours d’année. Au terme de cette première année, certains critères d’évaluation nous sont apparus comme pertinents, et ils sont avant tout liés aux attitudes des élèves face aux apprentissages.

Dans la grille ci-jointe, il s’agit d’évaluer trois aspects :

  • Sérieux / Attention
  • Implication / Investissement
  • Autonomie / Initiative
Grille d’évaluation

Exemple : L’autonomie et l’initiative peuvent s’évaluer dans le travail en équipe, la capacité à mettre en lien théorie/pratique, les idées innovantes, la recherche d’informations et l’utilisation des TICE.


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