Évaluation et pratiques de classe pour le socle commun de compétences

Des narrations de recherche à l’évaluation du socle
vendredi 27 juillet 2012
par  Pierre MARELLO

À partir des travaux approfondis au sein du groupe « Narrations de recherche » (Flora Clément, Mathieu Bober, David Michel, Pierre Marello), j’ai tenté, en accord avec le document d’accompagnement des programmes (Vade-mecum ci-joint, datant de février 2009), de définir une grille d’évaluation des compétences au collège. Celle-ci n’a pu se faire sans procéder à un changement de pratiques de classe. Il ne s’agit pas tant d’évaluer le socle pour lui-même que de développer chez les élèves des compétences. Les narrations de recherche, remises à l’honneur, se révèlent être un outil pertinent, adaptable à la classe et au style de chaque professeur.

Mon travail au sein du groupe NR, mais aussi en tant que participant au stage sur le socle, les tâches complexes et le spiralage, a été, d’une part, de « réactualiser » la pratique des NR dans le contexte actuel lié à l’enseignement par compétences et, d’autre part, à mettre au point une évaluation par compétences.

Les NR sont alors apparues comme un outil indispensable, car fort adapté à ce travail par compétences. Transversalité, différenciation et autonomie sont naturellement présents dans une NR. De plus, la spécificité rédactionnelle permet un travail sur la prise de conscience, qui constitue aussi une entrée pour de la gestion mentale.

Le travail du groupe a montré que le protocole de départ des NR est adaptable, et permet toutes sortes de gestion par le professeur. Les seuls points incompressibles résident dans une réponse au problème posé qui reste secondaire, une phase de production « tous azimuts » liée aux idées et une phase de rédaction en français corrigée comme telle.

Le Vade-mecum joint présente toutes les pistes pour relier programme, socle, pratique de classe et évaluation. De mon côté, je me suis surtout attaché à faire fonctionner des grilles adaptables pour des évaluations du socle aussi bien que du programme, permettant en plus d’attribuer une note sur 20. Les grilles d’évaluation auxquelles j’ai abouti sont fournies en annexe. Leur spécificité est qu’elles sont formatives et sommatives à la fois.

Une remarque pour finir cette introduction : mon expérimentation s’est effectuée sur des classes de 6e et 5e, homogènes ou non. J’ai été très attaché à la souplesse et l’adaptabilité des outils et protocoles utilisés pour l’évaluation et la pratique des NR. J’ai comparé et me suis assuré à trois reprises par une double correction que les grilles utilisées fournissent un résultat sommatif cohérent avec un barème classique de notation.

I. Les éléments du Vade-mecum sur lesquels je me base

La résolution de problèmes doit constituer le vecteur principal de l’évaluation. Cela est vrai aussi bien pour l’évaluation de l’acquisition du programme que pour celle du socle commun : l’évaluation ne peut être pertinente que si elle porte sur les attendus.

Pour chaque niveau d’évaluation, la grille de référence du socle relative aux mathématiques est structurée en deux parties : une partie portant plus spécifiquement sur les connaissances, réparties dans les quatre champs du programme et une partie consacrée à la résolution de problèmes. Dans l’esprit des
rédacteurs, les connaissances liées aux quatre champs du programme peuvent être évaluées dans des problèmes courts (exercices) mais ayant du sens.

Pour un professeur, il n’est pas possible de gérer, dans chaque classe et pour chaque élève deux systèmes d’évaluation, un pour le programme et l’autre pour le socle. Il est donc indispensable que les outils d’évaluation actuellement utilisés (devoirs de contrôle, évaluation diagnostique, travaux pratiques, travaux à la maison, utilisation des TICE) soient repensés de manière à permettre de mesurer à la fois la maîtrise du programme et l’acquisition des aptitudes du socle commun. Nous proposerons quelques pistes concrètes, expérimentées par des enseignants, susceptibles d’aider à relever le défi posé par cette double évaluation.

(...)

Pour autant il est important, pour gérer la double exigence du programme et du socle commun, de continuer à valoriser des approches empiriques.

En effet progressivement, au cours de leur formation, les élèves prennent conscience que les mathématiques permettent de réaliser un certain nombre de tâches sans avoir à « tâtonner ». À côté de cela, ils sont aussi convaincus, sans avoir toujours l’occasion ou la permission de le dire, que des méthodes empiriques permettent d’obtenir des résultats très satisfaisants en pratique. Par exemple, on peut voir des élèves déterminer le centre d’un cercle dans une excellente approximation, sans recourir au tracé des médiatrices. Le professeur de mathématiques perd souvent en crédibilité s’il ne fait aucune place à ces approches empiriques qui sont communément reconnues comme efficaces dans la vie courante (pour trouver le centre d’un disque en papier, on peut le plier en quatre, par exemple).

Au contraire, en amenant les élèves à comparer les deux types d’approche, il est possible de :

  • valoriser des aptitudes qui relèvent du socle,
  • montrer les limites de la résolution empirique (tout en lui reconnaissant une efficacité),
  • plaider plus honnêtement et plus efficacement pour des méthodes mathématiques rigoureuses.

Par exemple, quand des élèves de 5e doivent réaliser un patron d’un cylindre de révolution de 3 cm de rayon et 5 cm de hauteur, le premier obstacle à franchir est la détermination de la forme du patron. Il faut ensuite faire en sorte que le rectangle ait une longueur adéquate. Dans ce type de travail, on voit bon nombre d’élèves (s’ils y sont autorisés habituellement) découper et rouler du papier pour ajuster leur première conjecture et trouver, au brouillon, une forme globale pertinente. Ils se lancent alors dans une construction au propre pour découvrir finalement le problème de la longueur du rectangle. Certains reprennent alors un brouillon pour faire des calculs tandis que d’autres ajustent avec leurs ciseaux.

(...)

Pour gérer la double exigence du programme et du socle commun, il est important de valoriser différents niveaux de production. En outre, permettre la coexistence de plusieurs niveaux de production au cours d’un travail, et même en garder la trace, est souvent très enrichissant pour la suite de la formation.

(...)

Pour donner au raisonnement la place qu’il mérite il est essentiel de :

  • dissocier les deux apprentissages (recherche et élaboration d’un raisonnement ou d’une preuve ; mise en forme du raisonnement ou de la preuve) car beaucoup d’élèves se croient incapables de faire des mathématiques alors que leur difficulté réside plutôt dans le fait de devoir produire un écrit conforme aux attendus du professeur. D’autres sont dans l’incapacité de montrer qu’ils raisonnent bien parce que l’évaluation d’un raisonnement passe le plus souvent par l’évaluation d’un écrit.
  • valoriser toute expression écrite correcte d’un raisonnement.

(...)

Quelques principes généraux d’une évaluation par compétences, tels que l’on peut les trouver dans le rapport de l’inspection générale sur le livret de compétences :

« Une compétence ne peut être évaluée sans prendre en compte la stabilité de la réponse et la variété du contexte de présentation de la tâche à réaliser. […] L’avantage offert par le CCF [contrôle en cours de formation], autorisant une validation des acquis à plusieurs reprises dans le cursus scolaire, réduit le risque de validation aléatoire de la compétence attendue ».

Et comme le souligne l’introduction du programme de mathématiques :

« L’évaluation de la maîtrise d’une capacité par les élèves ne peut pas se limiter à la seule vérification de son fonctionnement dans des exercices techniques. Il faut aussi s’assurer que les élèves sont capables de la mobiliser d’eux-mêmes, en même temps que d’autres capacités, dans des situations où leur usage n’est pas explicitement sollicité dans la question posée. »

(...)

Quand on cherche à savoir si un élève maîtrise une compétence faisant partie des
attendus du programme, il est donc important d’évaluer cette maîtrise à plusieurs
reprises tout en veillant à proposer des situations d’évaluation permettant de varier le niveau de maîtrise attendu. Mettre cela concrètement en oeuvre a, bien entendu, des incidences sur la conception des sujets de devoirs.

L’évaluation de la maîtrise du programme aboutit traditionnellement à des notes. Même si ces notes permettent de donner des informations sur le niveau de maîtrise globale du programme, elles ne donnent pas trace de la connaissance beaucoup plus fine que l’on peut avoir sur chaque élève.

Pour autant il ne s’agit pas, dans le cadre actuel de la mise en oeuvre du programme et du socle commun, de rejeter ce système traditionnel de notation qui reste bien un attendu institutionnel.

(...)

L’évaluation de l’acquisition (ou du degré d’acquisition) des aptitudes relevant du socle commun ne saurait donc se faire à travers des exercices purement techniques testant de manière répétitive des micro-compétences (telles que « additionner deux nombres en écriture fractionnaire » ou « calculer par produit en croix une quatrième proportionnelle dans un tableau de proportionnalité »).

C’est dans la résolution de problèmes, et tout particulièrement des problèmes liés à des situations familières, que cette évaluation doit être prioritairement envisagée.

En outre, évaluer la maîtrise des capacités du socle commun dans la résolution de problèmes est un atout pour gérer la tension entre « évaluer le programme » et « évaluer le socle commun », parce qu’on rejoint là l’ambition fixée aussi par le programme.

D’où la question fil rouge de cette réflexion :

« Comment évaluer la capacité de tous les élèves, et tout particulièrement des élèves qui rencontrent des difficultés dans l’acquisition du programme, à prendre des initiatives, à élaborer une stratégie de résolution, à réaliser une tâche technique, à comprendre qu’ils sont dans l’erreur… ? »

(...)

Comment faire évoluer le traditionnel contrôle ?

Le contrôle sert à évaluer l’acquisition par les élèves des capacités et connaissances du programme. Quelle forme doit-il prendre pour servir aussi à l’évaluation des compétences du socle commun ?

Quels exercices faudrait-il y trouver ?

Pour qu’un contrôle puisse fournir une occasion d’évaluer l’état d’acquisition des aptitudes du socle, il est indispensable de veiller à ce que dans les sujets de contrôle, conçus pour évaluer la maîtrise du programme, il y ait aussi des exercices :

  • permettant à tout élève (y compris à celui qui ne parviendra pas à maîtriser le programme) de montrer d’autres aptitudes qu’une simple restitution de savoir-faire automatisés ;
  • donnant à tout élève une chance d’avoir un véritable problème à résoudre et un problème qui lui est accessible (autrement dit, dont l’énoncé n’induit pas la modélisation mathématique qui conduit à la stratégie experte non exigible dans le cadre du socle commun) ;
  • permettant d’évaluer le raisonnement indépendamment de la rédaction (certains élèves conduisent de bons raisonnements mais ne parviennent pas à les mettre en forme) ;
  • permettant d’évaluer la rédaction indépendamment du raisonnement.

Il est essentiel aussi de veiller à ce que des exercices fassent appel à des aptitudes travaillées dans le programme des classes antérieures mais non acquises par tous les élèves : c’est tout particulièrement le cas de connaissances ou capacités liées aux constructions géométriques de base, aux mesures, ou liées au sens des opérations.

(...)

Les devoirs surveillés, surtout s’ils sont revisités avec cette focale, devraient permettre de valider progressivement, pour la majorité des élèves, l’acquisition de bon nombre d’aptitudes.

Toutefois, si les écrits de quelques élèves restent insuffisamment éloquents ou insuffisamment porteurs d’informations sur leurs acquis, ils peuvent être complétés par d’autres types de contrôles ou des prises d’information dans le vécu de la classe.

II. Pratiques liés au socle : les narrations de recherche et les tâches complexes

La résolution de problèmes, en plus des nombreux intérêts cités ci-dessus, tant pour l’évaluation du socle que pour la formation, est l’occasion de :

  • créer une culture scientifique autour de notions (par exemple : énergies renouvelables, problèmes d’engrenages, symétries, situations de partages, mesures) ou d’attitudes (par exemple : le recours aux schémas) qui me semble importantes ;
  • faire prendre des habitudes concernant le « petit » matériel, mais aussi le pliage, le découpage, la schématisation au brouillon, la calculatrice, les logiciels et le livre ;
  • faire verbaliser oralement les démarches et raisonnements (« raisonnement à voix haute » : notion et méthode qui vise à expliciter les aspects cognitifs implicitement présents dans des actions).

1. Narrations de recherche (ou recherches racontées)

Les NR permettent un passage à l’écrit individualisé. La recherche peut être en groupe ou individuelle par ailleurs.

Les sujets de rallye, via fichier Evariste (APMEP), sont courts, ciblés sur une notion et adaptables ; surtout, les fiches sont classées par niveau, notion et chapitre.

Un bilan type débriefing, en faisant comparer les productions qui me semblent significatives, me paraît utile afin de préciser les attentes d’une part, mais aussi pour commencer à évoquer les différentes attitudes ou démarches possibles (par exemple une démarche empirique vs algorithmique ou encore algébrique ou encore « hyper-numérisée » ou « hyperschématée »).

2. Les tâches complexes

En plus de permettre un spiralage sur le programme et de différencier les compétences, c’est encore l’occasion, par le choix du sujet, d’établir une culture de classe.

III. L’évaluation

La question était de ne pas créer une double évaluation socle/programme. Il fallait aussi pouvoir restituer une note sur 20.

L’idée est de mettre au point une grille qui permette d’évaluer aussi bien le programme que le socle, et qui s’adapte à tous types de travaux, sans être une « usine à cases » pour reprendre l’expression consacrée.

Exemples de grilles

Voici tout d’abord la grille « standard », non contextualisée. Pour introduire une pondération, chaque compétence est évaluée grâce à un curseur gradué. Ce curseur peut avoir un maximum variable, voire être « éteint » (valeur vide) selon l’importance de la compétence dans le travail évalué.

C7
Autonomie
Initiative
C3a
Extraire
l’information
utile
C3b
Raisonner
Expérimenter
Argumenter
C3c
Calculer
Mesurer
Construire
C3d
Utilisation du
langage
mathématique
C2
Français
cohérent
avec l’énoncé
1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4

Voici ensuite une grille contextualisée, qui va évaluer surtout des techniques algébriques, sur des exercices standards du programme. La C7 est « éteinte ».

C7
Engager
une démarche
C3a
Trouver
l’information
utile
C3b
Raisonner
Expérimenter
Argumenter
C3c
Développer
Factoriser
Utiliser une
expression littérale
Utiliser un
programme de calcul
C3d
Utiliser les
signes et
symboles
mathématiques
C2
S’exprimer
en français
en lien
avec l’énoncé
1 2 3 1 2 3 1 2 3 4 5 6 1 2 3 1 2

Voici enfin une grille pour un contrôle d’une heure sur la division euclidienne en 6e.

C7
Engager une
démarche
C3a
Extraire
l’information
utile dans
un énoncé,
une consigne
C3b
Raisonner
Argumenter
C3c
Connaître les mots
« multiple » et « diviseur »
Choisir la bonne
opération pour résoudre
un problème simple
C3d
Utilisation des
écritures
mathématiques
C2
Français
cohérent
avec l’énoncé
1 2 1 2 3 1 2 3 1 2 3 4 5 6 1 2 1 2 3

Avantages

  • Ces grilles peuvent s’appliquer pour des évaluations lors de contrôles classiques en classe, aussi bien que pour évaluer certaines compétences pendant des séances de résolution de problème.
  • Elles sont suffisamment simples pour être comprise par les élèves de 6e et les familles.
  • Elles donnent une note.
  • Elles fournissent une évaluation en terme d’acquisitions en pointant la compétence évaluée.

Exemple de contrôle en classe

Mathématiques
Nom, prénom :
Classe :
Date :

C7
Autonomie
Initiative
C3a
Extraire
l’information
utile
C3b
Raisonner
Expérimenter
Argumenter
C3c
Calculer
Mesurer
Construire
C3d
Utilisation du
langage
mathématique
C2
Français
cohérent
avec l’énoncé
1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4

Exercice 1 :

Exercice 2 :

Exercice 3 :


Documents joints

Vade-mecum 2009
Le document officiel
PDF - 118.5 kio
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