Déroulement de nos séances en classe

mardi 22 juin 2010
par  Claire LAGARDE , Nathalie AH-PINE

Il nous fallait abandonner le schéma classique : correction des exercices / activité d’approche ou séance d’exercices /cours pour ramener le calme / dictée des exercices à faire à la maison pendant que la cloche sonne… en effet, ce schéma très caricatural mais assez répandu si l’on écoute les collègues ne nous satisfaisait pas pour différentes raisons :
Tout d’abord, les exercices à la maison n’étaient pas faits par ceux qui en avaient le plus besoin, et lors de la correction collective, ces mêmes élèves ne suivaient pas… Cela engendrait un climat défavorable à la classe en renforçant l’hétérogénéité et en accroissant notre exaspération voire notre énervement… Et puis dans nos classes beaucoup d’élèves sont en grande difficulté sociale. Nous ne savons pas comment cela se passe le soir à la maison… Ont-ils réellement le temps et la possibilité de se concentrer sur des exercices de réinvestissement ? Nous-mêmes ne pouvons pas toujours corriger un paquet de copies pour le lendemain…
Ensuite, nous n’étions pas satisfaites de notre cahier de leçons : certes cela nous arrangeait bien de faire « gratter » les élèves quand la classe était trop « dynamique »… Mais les plus lents avaient juste écrit le titre quand d’autres avaient fini de tout copier… Cela rendait la séance peu pédagogique et même si les élèves avaient en général un beau cahier de leçon bien propre que nous étions fières de présenter à l’Inspecteur lors de ses visites, pour la majorité des élèves, le cahier de cours ne servait à rien car ils ne le retenaient pas et ne savaient pas s’y référer…

Nous avons donc changé le déroulement et voilà comment se passent environ 80 % des séances :
 Test à l’entrée en classe : C’est pour nous un bon moyen de ramener rapidement les élèves en classe, et d’avoir rapidement le calme… Tout le monde travaille au moins pendant ce quart d’heure ! C’est l’occasion pour ceux qui ont bien travaillé à la maison de vérifier et d’approfondir leurs connaissances, c’est l’heure de l’entraînement pour ceux qui n’ont rien fait… Au final, tout le monde réfléchit sur des exercices de base… Et lors de la correction, cette fois-ci bien suivie, beaucoup d’élèves se rendent compte que ce qu’on leur demande n’est pas si difficile, ce qui les motive à faire mieux la prochaine fois…

 Activité ayant pour thème celui du grand thème en cours mais faisant appel à divers outils que les élèves doivent mobiliser pour résoudre le petit problème.
Exemple : reproduire un triangle en vraie grandeur et aux instruments connaissant le périmètre et la longueur de deux côtés. La notion étudiée ici est la construction de triangles. Elle fait partie du grand thème « le cercle ». Sont réactivées par cette activité celles de périmètre, d’addition et de soustraction de nombres décimaux. Les élèves travaillent avec leur voisin et ont le droit de regarder leurs cahiers et leur livre. Je passe de groupe en groupe en apportant le coup de pouce nécessaire. Des questions subsidiaires sont prévues pour les plus rapides, comme « recommencez l’exercice en doublant les dimensions » ou en donnant un périmètre qui ne permet pas l’existence du triangle... Seule la question cherchée par tous est corrigée au tableau.

 Pas besoin de noter le travail à la maison car il est implicite… Il faut préparer le test et recopier la fiche leçon le cas échéant…

Déroulement des autres séances (1 ou 2 séances par grand thème) :
 Résolution de problème en groupes : les élèves se placent d’eux-mêmes, ils savent que je ramasserai quelques copies à la fin de l’heure donc chacun prend une feuille, écrivent la question, et se mettent à la recherche de la solution… Ils ont le droit de regarder leur cahiers et je leur apporte une aide personnalisée si besoin. Eventuellement, si toute la classe patauge, j’apporte une aide collective au tableau…

 Je ramasse quelques copies que je corrige et que je rends à la séance suivante, où c’est l’heure du bilan dans le cahier de leçon. Ce bilan est très court, et toute la classe est généralement active car tous ont cherché le problème… Ce qui est intéressant c’est qu’on a eu le temps de repérer leur travail individuel pendant la recherche, et qu’on peut judicieusement interroger les élèves, en particulier les plus faibles… La suite de la leçon est un savoir-faire qui comme son nom l’indique aide l’élève à savoir « COMMENT faire »… En effet nous avons remarqué que très peu d’élèves savent se dépatouiller avec une définition et/ou une formule… On leur propose donc un savoir faire suivi d’un exemple détaillé, et de deux exercices d’application : un corrigé et un non-corrigé. L’utilité de ce dernier exercice est de motiver ceux qui se contentent de recopier les exercices et leur correction « bêtement », car cet exercice sera reposé lors d’un test ultérieur…

les tests

Nous n’avons pas voulu établir de grille avec les capacités à étudier, ni référencer les Réussites et les Non réussites... Mais il apparaît clairement qu’il y a une liste de connaissances-outils que l’élève doit maîtriser. Nous avons choisi ce système de tests par capacités pour aider l’élève à se situer dans ses apprentissages.

Les élèves savent toujours sur quoi ils vont être évalués : nous leur donnons les titres des capacités évaluées (4 capacités) qu’ils doivent écrire en titre de 4 pages du cahier d’exercice. ensuite on traite ensemble un exemple d’énoncé. Puis le contrat est clair : ils doivent s’entraîner seuls pour ces capacités, en se référant aux savoir-faire de la leçon. Chaque jour, une question similaire leur sera posée...

Nous voulons faire de l’évaluation un moment fort de l’apprentissage et non pas un aboutissement !

Nous évaluons ainsi des techniques de calculs et de tracés.

L’objectif pour l’enseignant est que les élèves acquièrent des automatismes sur des procédures élémentaires (ne demandant pas de raisonnement ou d’initiatives).

Quant à l’élève il est responsabilisé dans ses apprentissages. Les connaissances attendues sont explicites, son travail à la maison est préparé en classe. Il n’est pas obligé de travailler ce qu’il maîtrise déjà. Qui plus est, grâce aux entraînements en classe, il mesure ses progrès au fur et à mesure, avant l’évaluation.

Quand nous sentons que la classe est prête, nous procédons à l’évaluation notée : ce jour-là, les élèves répondent sur une copie et non pas dans le cahier d’exercices. La note ne prend en compte que le résultat de cette évaluation. C’est donc une note « bilan » et non pas une note « synthèse » : ce qui importe n’est pas que l’élève ait réussi à chaque évaluation, mais seulement lors de l’évaluation bilan. Nous indiquons également à l’élève s’il a Réussi ou Non Réussi cette connaissance/capacité.

Les élèves apprécient beaucoup ce système, et nous avons noté beaucoup de progrès chez les plus faibles notamment. Comme ils disent, « Au moins on sait ce qu’on doit travailler, et on sait si on a compris ou non puisqu’on s’entraîne en classe tous les jours... »

D’autres avantages se sont imposés à nous : tout d’abord, les tests en début de cours permettent d’avoir rapidement le calme dans la classe, ensuite quasiment tous les élèves jouent le jeu : ce qui veut dire que tous travaillent à leurs 4 exercices pendant une dizaine de minutes... Ce qui n’était pas le cas quand nous donnions des exercices à la maison, et que l’on proposait la correction au tableau : seuls ceux qui avaient fait l’exercice suivaient, et bien sûr c’était en général ceux qui n’avaient pas de grosses difficultés... Avec les tests les enfants sont beaucoup plus actifs.
Nous faisons la correction dans la foulée : ce sont les élèves qui corrigent leur propre copie, en signalant les réponses correctes par une marque verte, les réponses fausses par une marque rouge... Et rajoutent les annotations nécessaires pour la réussite de l’exercice.

Ces tests « occupent » donc une petite moitié de la séance. Ce qui est assez positif, car ensuite nous changeons d’activité, en général nous passons à des activités plus riches, et en terme de durée nous trouvons cela adapté à nos sixièmes, incapables de se concentrer plus de 20 minutes sur le même sujet...

Document pdf listant les savoir faire évalués en test :

les problèmes

En travaillant sur l’évaluation du Socle, nous avons compris que pour amener tous nos élèves vers l’acquisition de ce minimum requis, il nous fallait non pas seulement changer notre manière d’évaluer mais surtout changer nos pratiques.
En effet, deux points clés doivent désormais tenir une place centrale dans notre enseignement : la gestion de l’hétérogénéité et la résolution de problèmes.
D’abord assez réservée, l’inspection générale de Mathématiques a fini par proposer en 2009 des documents accessibles, qui nous ont donné envie de nous lancer dans cette nouvelle aventure. Tout ce que nous lisions nous paraissait très intéressant et nous a surtout convaincues : la société a changé, les élèves ont changé... Nous devons changer notre manière d’enseigner...
C’est donc très motivées par ces deux aspects : la gestion de l’hétérogénéité et la résolution de problèmes , que nous avons débuté l’année scolaire. Et nous nous sommes vite rendues compte que ce n’était pas si facile de changer nos pratiques !!! Comme le disait l’inspecteur général Xavier Sorbe lors d’une conférence sur le travail par compétences : « Il faut y aller ! »... Et même avec toute la meilleure volonté du monde, c’est toujours difficile de se jeter à l’eau !
Nous avons pris nos élèves de sixième comme « cobayes », et avons tenté d’animer de nouvelles séances, ne sachant pas toujours vers où nous allions, tout en essayant de ne pas leur montrer pour ne pas perdre la face ! Parfois une séance nous amenait 1 pas en avant, et la suivante 2 pas en arrière !!!
Nous avons été directement confrontées à la difficulté de passer de la théorie au concret, avec des élèves bien concrets qui étaient souvent déstabilisés par ces pratiques nouvelles, et des parents bien concrets aussi qui n’arrivaient pas à s’y retrouver !
Malgré ces difficultés, nous persistons dans cette voie, et tâchons de nous améliorer au fur et à mesure de notre propre évolution... Et espérons que d’autres collègues se lancent à leur tour dans ce type de gestion de classe, c’est pourquoi nous proposons une narration de quelques problèmes étudiées dans nos classes, en listant les objectifs, les capacités visées, les points forts et les points faibles.

La gestion de l’hétérogénéité via le travail en groupes

Ayant suivi un stage particulièrement convaincant animé par Didier Onfray sur la gestion de l’hétérogénéité où il préconisait le travail en groupe, nous avons choisi ce mode d’organisation pour la résolution de problèmes. Les groupes ont été constituées dans les premières semaines de la rentrée, regroupant 3 ou 4 élèves. Ces groupes devaient rester fixes au cours de l’année. Ne connaissant pas encore le niveau de nos élèves, nous les avons laissé se regrouper par affinités : nous même nous travaillons mieux avec les collègues avec qui on s’entend bien ! Les tables étaient donc déplacées pour former les groupes, et le travail devait être effectué pendant une heure de cours. Selon les problèmes, nous avons demandé une feuille par groupe ou une feuille par élève... Après coup, il est bien préférable de demander une feuille par élève, et cela pour plusieurs raisons : tout d’abord cela évite « qu’un seul travaille et que les autres regardent... », ensuite cela permet à chaque élève d’avoir une trace écrite du travail (et sinon, qui garde la feuille ???)

La présentation des problèmes et leur déroulement

Par « problème », nous entendons une question complexe qui demande à l’élève de mobiliser plusieurs compétences.
Le but n’est pas de les noyer ni de les déstabiliser, mais qu’ils construisent eux-mêmes leurs savoirs, qu’ils se posent des questions, et trouvent eux-mêmes les réponses...
Nous avons donc choisi quelques problèmes, environ 1 par séquence (notre progression regroupe 10 séquences sur l’année), qui abordaient des notions nouvelles ou assez complexes.

Titre de la séquence Problèmes
1 : Lecture graphique et numération décimale Combien de nombres à 3 chiffres peut-on écrire avec 7, 4 et 5 ? Combien de nombres à 4 chiffres peut-on écrire avec 7, 4, 5 et 6 ?
2 : Les nombres décimaux Comparer l’aire d’un rectangle de longueur 112 mm et de largeur 9 cm avec 1 dm2
Dans un récipient, on mélange : 6/10 de litre de liquide A, 725/1000 de litre de liquide B, ¼ de litre de liquide C. Quelle quantité de liquide y a-t-il dans ce récipient ?
3 : Introduction à la symétrie orthogonale, utilisation de la règle et de l’équerre En prenant comme unité d’aire le carré, donner l’aire des polygones du tangram.

En prenant comme unité de longueur celle du côté du carré, donner le périmètre des polygones du tangram.
4 : Des fractions décimales aux nombres décimaux Entraînement au concours Rallye maths sans frontières
5 : le cercle Comment calculer la longueur d’un cercle ?

Comment calculer l’aire d’un triangle quelconque ?

Comment calculer l’aire d’un disque ?

6 : Division Euclidienne Comment reconnaître qu’un nombre est divisible par 3 sans effectuer la division ?

Nous avons choisi de raconter le déroulement en classe pour les 3 problèmes soulignés

les fiches leçons

Jusqu’en milieu d’année, vers le mois de janvier pour être précise, nous prenions un temps en classe, souvent en fin d’heure, pour écrire le résumé de cours au tableau et nous attendions que nos élèves aient fini de recopier.

Ces moments ressemblaient un peu à ça :

 les élèves ne participaient pas pendant que nous écrivions, trop occupés eux-même à recopier. Ils étaient passifs.
 les plus rapides patientaient ou bavardaient 5 minutes après que nous ayions nous-même fini d’écrire au tableau.
 les plus lents commençaient quand nous avions fini d’écrire au tableau.
 nous tournions en rond en attendant en essayant d’occuper les plus rapides.
 Le lendemain, lorsque nous posions des questions sur ce que nous avions écrit, une poignée d’élèves répondaient.

A côté de cela le travail à la maison était, pour la majorité, non fait : trop dur, pas compris, pas eu le temps.

Bref dans notre réorganisation, nous pensions que c’était là l’occasion de « gagner du temps ».

Nous avons donc édité des fiches leçons : classiques, elles tiennent pour la plupart sur une page, contiennent une connaissance et un savoir-faire corrigé ainsi que des petits exercices d’entraînement. Ces savoirs-faire correspondent aux connaissances évaluées en test et aux résultats mis en évidence au cours de nos résolutions de problèmes.

Il n’y a rien de nouveau pour l’élève, ce n’est qu’une mise au point de ce qui a été vu en classe. Les élèves n’ont donc pas besoin d’être en classe avec nous pour recopier ces fiches. Et comme il ne s’agit pas d’exercices, ils ne peuvent pas nous dire qu’ils n’ont pas compris !

Nous leur avons donc demandé de recopier ces fiches à la maison et de travailler les exercices d’application.
Suite à l’institutionnalisation en classe, nous donnons une fiche aux élèves. La fiche suivante est donnée en échange de la précédente et les cahiers sont vérifiés une fois par semaine, afin d’éviter que les élèves « oublient » de demander des fiches.

Mais la distribution des leçons a vite ressemblé à du recopiage et non pas à du travail à la maison.

Comment essayer de faire que les élèves recopient attentivement leurs fiches ?

Nous avons alors remplacé les exercices corrigés (les élèves recopiaient sans les chercher, de leur propre aveu) par des exercices non corrigés sur la fiche , mais évalués en test de connaissances.
La première partie de la fiche est la phase d’institutionnalisation de nos problèmes ou de nos activités. Cette partie est faite en classe, c’est la théorie. Au début nous la rédigions nous même, les élèves recopiaient. Puis nous avons choisi de leur faire élaborer cette partie, quitte à les guider pour la mise en forme. Cette première partie est suivie d’un « savoir-faire » ou exercice corrigé. Tous les savoirs-faire exigés en sixième ont été listés et un exemplaire de cette liste a été distribué aux élèves. Ils peuvent donc s’y référer.

Exemple de fiche leçon : le cercle et son vocabulaire :

leçon sur le cercle

Nos élèves ont eu en activité avec le logiciel géogébra, à établir s’il y avait un lien entre la longueur du cercle et son diamètre. Le logiciel affichait les mesures et les élèves complétaient des tableaux.
Ils ont su conjecturer qu’il y avait proportionnalité entre les deux grandeurs. Ils ont trouvé eux-même 3,1 comme valeur approchée.

Ils ont aussi eu des leçons suite à des exercices plus classiques, comme comparer des décimaux, ou alors après un problème plus riche.

Par exemple nous leur avons posé la question suivante : « comment calculer l’aire dans un triangle quelconque ? ».

En classe nous avions déjà vu comment calculer l’aire du triangle rectangle.
Pour nous enseignantes, ce fut l’occasion de pratiquer une nouvelle fois la résolution de problèmes.

La mise en commun a abouti à l’élaboration de la formule de l’aire du triangle.Nous copions le début de la leçon ensemble en classe puis les élèves recopient le reste de la leçon chez eux.
Exemples de fiches comparer des décimaux et aire du triangle

leçon comparer des décimaux
leçon sur l’aire du triangle

Pourtant après 2 mois d’utilisation, nous n’étions encore pas satisfaites. Trop d’élèves à notre goût recopiaient la fiche sans la travailler, sans intégrer les savoirs-faire. Une collègue, Brigitte Morel nous a alors suggéré de proposer un exercice résolu, à titre d’exemple, puis des exercices d’entraînement non corrigés, exercices dont certains seront proposés aux élèves dans les tests évalués.
Histoire de rendre les élèves encore plus actifs !!!
La semaine suivante, lorsque nous commençons une nouvelle série de tests de connaissances, une des connaissances évaluées porte sur les critères de divisibilité. Le jour où le test est noté, la question est celle de la fiche leçon.


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