Le jeu de 21, un jeu de cartes endémique de La Réunion

lundi 31 octobre 2022
par  Alain BUSSER , Patrick SCHILLI

Le jeu de 21 est un jeu traditionnel de La Réunion. Il se joue avec un jeu de 52 cartes [1], et le gagnant est celui qui a récolté le plus de points en totalisant ses cartes, parmi les joueurs non éliminés. Sont éliminés les joueurs ayant plus de 21 points (d’où le nom du jeu). Jouer au 21 aide donc à travailler les additions et comparaisons, et la pratique de ce jeu peut améliorer les compétences mathématiques des élèves.

Origine du jeu

Il y a une cinquantaine d’années, on jouait déjà au 21 dans toute La Réunion. Mais nul ne sait depuis combien de temps ce jeu est pratiqué, ni quelle est son origine. On remarque une certaine ressemblance avec le blackjack (jeu) mais il y a aussi des différences :

  • Au blackjack les figures valent 10 points chacune, au 21 elles n’en valent que 2
  • au blackjack on joue contre le croupier, au 21 la banque ne sert qu’à distribuer les cartes (et peut également jouer avec les autres)
  • la paire 7-8 est gagnante au 21
  • au 21, on peut dépasser 21 points, si on a deux as dès la première donne (ce qui fait 22 points)

L’un des joueurs (ou une personne extérieure au jeu) est le banquier. Il distribue des cartes extraites du jeu de 52 cartes préalablement battu. À chaque carte correspond une valeur, déterminée ainsi :

  • chaque as vaut 11 points [2] (par exemple 🃁=11)
  • chaque figure (valet, dame ou roi) vaut 2 points (par exemple 🂾=2)
  • les autres cartes valent autant que le nombre écrit sur la carte (par exemple 🃅=5)

Il y a donc 4 cartes valant 11 points (🃁🂱🂡🃑), 4 cartes valant 10 points (les 10), etc jusqu’à 4 cartes valant 3 points (🃃🂳🂣🃓) mais 16 cartes valant 2 points (les 2 mais aussi les figures).

Au début du jeu, le banquier distribue à chaque joueur, deux cartes. Si un joueur a deux as ou un 7 et un 8, il a gagné et le jeu se termine. Sinon, le banquier demande à chaque joueur, à son tour, s’il veut une (ou plusieurs) carte(s) supplémentaire(s) [3].

Si un joueur totalise plus de 21 points, il est éliminé et pose ses cartes devant lui, et le jeu continue sans lui.

Lorsque plus aucun joueur ne veut de carte supplémentaire, le jeu s’arrête. Les joueurs non éliminés posent leurs cartes face en haut et on compare le total de leurs points : celui qui a le plus grand total est gagnant du jeu.


Pour éviter la complication des figures valant autant que le 2 et l’as valant non pas 1 point mais 11, il a été proposé de faire jouer les enfants avec ce jeu de 52 cartes (en fait deux jeux de 52 cartes sur un même pdf) :

L’image ci-dessus est cliquable, et permet de télécharger les deux jeux de cartes.

La contextualisation du jeu est la suivante :

Au début du jeu, le banquier donne deux cartes à chaque joueur. Celles-ci représentent le produit de leur pêche.

Si jamais un des joueurs a pêché 15 poissons (avec les cartes 7 et 8) ou 22 poissons, il a fait une pêche miraculeuse et il a gagné le jeu.

Sinon, chaque joueur demande des cartes supplémentaires au banquier tant qu’il veut repartir à la pêche et avoir plus de poissons.

Mais attention ! Si on a pêché plus que 21 poissons en tout, le filet se brise et on perd toute la pêche.

Lorsque tous les joueurs ont fini de pêcher, on regarde toutes leurs cartes. Celui qui a le plus de poissons a gagné le jeu.

La présence de chiffres sur les cartes facilite le jeu pour les élèves de cycles 3 et 4 (et fait faire du calcul mental). Pour les élèves de cycle 1, il faudra simplifier le jeu, en privilégiant les compléments à 10. En cycle 2, on peut imaginer un jeu de 15 (qui restera conforme à la tradition avec le 7+8 comme pêche miraculeuse).

Voici un jeu de 40 cartes pour jouer au jeu de 15 :

L’image ci-dessus est cliquable, et permet de télécharger le jeu au format pdf.

Voici la règle du jeu de 15 :

Au début du jeu, le banquier donne deux cartes à chaque joueur. Celles-ci représentent le produit de leur pêche.

Si jamais un des joueurs a pêché 15 ou 16 poissons, il a fait une pêche miraculeuse et il a gagné le jeu.

Sinon, chaque joueur à son tour demande des cartes supplémentaires au banquier tant qu’il veut repartir à la pêche et avoir plus de poissons.

Mais attention ! Si on a pêché plus que 15 poissons en tout, le filet se brise et on perd toute la pêche.

Lorsque tous les joueurs ont fini leur pêche, on regarde toutes leurs cartes. Celui qui a le plus de poissons a gagné le jeu.

Théorie mathématique

Voici la loi de probabilité de la première pêche :

On voit qu’on a beaucoup plus de chances de n’avoir que 4 poissons (2+2) lors de la première pêche, que d’avoir plus de poissons que cela (environ 0,095 et plus précisément 16 chances sur 169).

Mais plus surprenant, on a exactement la même probabilité d’avoir 13 poissons à la première pêche.

A-t-on dans ce cas intérêt à repartir à la pêche ?

L’élimination du joueur aura lieu si, lors de la seconde pêche, il attrape 9, 10 ou 11 poissons (car alors il aura 22, 23 ou 24 poissons en tout et son filet casse). La probabilité que cela arrive est 3 chances sur 13 soit environ 0,23 : pas loin d’une chance sur 4 tout de même. Si on prend ce risque on aura intérêt à ne pas le prendre une seconde fois, et on s’arrête avec 3 cartes...

La loi de probabilité ci-dessus a été calculée par ce script Python :

tab = [1]*12
tab[0]=tab[1]=0
tab[2]=4
def P(t):
    return tab[t[0]]*tab[t[1]]/169.
def loi2(k):
    return sum([P((i,j)) for i in range(2,12) for j in range(2,12) if i+j==k])

Voici les probabilités d’être éliminé en choisissant de repartir à la pêche, en fonction du nombre de poissons déjà pêchés (en ne comptant pas les cartes) :

poissons pêchés moins de 11 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
probabilités d’élimination 0 0,077 0,154 0,231 0,308 0,385 0,462 0,538 0,615 0,846 0,923 1

Et la loi du nombre de poissons pêchés à la troisième carte, en supposant qu’on est reparti à la pêche (il s’agit donc de probabilités conditionnelles) :

Quant au jeu de 15, voici la loi des deux premières cartes :

Cette fois-ci la probabilité la plus importante est celle d’avoir 4 poissons.


[1plus traditionnellement, 32

[2Dans une variante du jeu, 1 point.

[3en fait ce sont les joueurs qui demandent - ou pas - des cartes supplémentaires, une par une, au banquier.


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