Trois séances d’introduction à Tchou en CP

samedi 11 août 2007
par  Didier BERNOT , Yves MARTIN

Le choix de présenter en détail la méthode Tchou, filmée sur une année, vient de plusieurs constats :
 Tout d’abord la méthode connaît, localement, un réel succès auprès des enseignants.
 Néanmoins on s’aperçoit que le fichier remplace parfois la méthode : si le fichier est utilisé, il arrive qu’il le soit assez indépendamment de la méthode elle-même. Dans ce cas la construction des apprentissages nous paraît difficile et périlleuse.
 Enfin nous voulions aussi montrer qu’on peut enrichir une méthode que l’on utilise régulièrement par des apports d’autres pratiques qui ont déjà largement fait leurs preuves (les activités de ERMEL en particulier).

Visualisation | Calculs en ligne | Schématisation

Les vidéos proposées ici sont issues de trois séances, notées T1, T2, T3 dans les onglets.

La séance T1 est la première pendant laquelle les élèves ont entendu la comptine Tchou. Il est vraiment intéressant d’observer les représentations instantanées des élèves et voir comment elles vont évoluer.

La séance T2 intervient environ un mois plus tard. Les élèves ont déjà travaillé sur les boites de Picbille de 5 puis de 10 et ont fait des dictées de compléments à 5. Cette séance est la première où ils vont faire des compléments à 10. Nous allons observer les procédures personnelles et leurs conséquences.

La séance T3 intervient deux semaines après (début novembre) : après les activités de calcul d’usage, il s’agit ici de commencer la représentation des boîtes de Picbille par la manipulation des caches qui symbolisent leurs couvercles.

Les liens en début et fin de page permettent d’aller sur d’autres approches de la méthode Tchou (Visualisation, Calculs en ligne) ou d’autres pratiques numériques (Schématisation) filmées dans cette même classe : le CP de Mme Isabelle PAYET, à l’école Bory-de-Saint-Vincent, à La Bretagne.

Contenu des onglets de cette page

T1a : Première découverte de la comptine régulière
T1b : Première explication du passage de « dix et neuf » à « deux dix »
T1c : L’écriture chiffrée des nombre « comme Tchou »
T1d : Association par la maîtresse du « dix » à un symbole chiffré
T1e : Quand « deux dix » s’écrit 21
T1f : Quand « deux dix et deux » s’écrit 112
Orient : Orientation des élèves face à face

T2a : L’ardoise dans la classe, le micro et le méso-espace
T2b : Correction de l’écriture précédente
T2c : Quand « deux dix » passe de 11 à 20
T2d : Premier jeu de doigts à 2 mains
T2e : Jeu de doigts - procédures personnelles
T2f : Dictée de doigts

T3a : Nouvelle activité de jeu de complément à 10 et correction
T3b : Suite de l’activité précédente
T3c : Dictée de compléments à 10 sur le fichier
T3d : Schématisation des couvercles des boites de Picbille fermées
T3e : Changement de cadre autour des appuis à 5

T1a

T1a - Première découverte de la comptine régulière

Ce court extrait est l’occasion de présenter la comptine régulière de Tchou. De nombreuses études en sciences cognitives ont fini par montrer que c’est, pour une très large part, l’oralisation régulière des nombres qui rend les enfants d’Asie du Sud-Est aussi performants en arithmétique, beaucoup plus en particulier que les enfants anglo-saxons (la comparaison portant sur ces deux populations).

La méthode Tchou (Rémi Brissiaud - Éditions Retz) s’intéresse donc à la mise en pratique — uniquement pour le CP — d’une comptine orale régulière en même temps que notre comptine usuelle. Les élèves apprennent donc les deux comptines et apprennent à passer de l’une à l’autre (« comme nous » et « comme Tchou »).

Les élèves apprennent ainsi à « dire les paquets de dix » avant même de s’installer dans une problématique de numération de position, ce qui va avoir une réelle efficacité quand on va abouter du calcul en ligne (point 4) : l’oralisation arithmétique « comme Tchou » des actions effectuées sur les objets participe de la résolution du problème.

Les nombres « comme TCHOU » - 1 min 20 s


En pratique les élèves ont sur leur table le fichier ouvert avec les nombres de 1 à 25 écrits en lettre « comme nous », en lettre « comme Tchou » puis en chiffre. Ils peuvent suivre sur la frise de leur choix. La lecture de la comptine intervient après un jeu du furet jusqu’à 45, activité rituelle à cette époque de l’année (mi septembre).

On notera qu’un élève suit avec le doigt la frise écrite de Tchou. Il ne s’agit pas d’un élève nécessairement lecteur, mais un élève qui, connaissant probablement l’écriture des premiers nombres, a su itérer correctement la suite de la comptine.

L’analyse de cette partie de la séance nous inciterait à afficher au tableau une bande numérique de grand format jusqu’à 35 et de prendre appui sur cette bande numérique pour dire de deux façons (symbolisées par deux personnages) la suite des nombres.

T1b

T1b - Première explication du passage de « dix et neuf » à « deux dix »

Le livre du maître de la méthode Tchou précise qu’on apprend (au début) la comptine régulière comme une comptine sans chercher une interprétation (dite de changement d’unité). On y précise même : « on écrit le chiffre correspondant au premier nombre qu’on entend, le mot dix ne correspond à aucune écriture et on écrit enfin le chiffre correspondant au dernier nombre qu’on entend », avec bien sûr les exceptions comme « dix- trois » : quand on n’entend rien devant « dix », on écrit « 1 ».

Ces précisions du manuel du maître ont paru difficiles à mettre en place, pour la maîtresse, en début d’année de CP, car cela semble impliquer une représentation préalable de l’écriture des nombres.

Si cette démarche s’éloigne de ce qui est proposé dans le livre du maître, pour les élèves elle continue de s’inscrire dans une démarche de type Grande Section où l’on aborde le plus souvent possible les nouvelles notions avec une connotation psychomotrice : il n’est pas sûr que cela induise un paquet de 10, mais il n’y a pas de raison que cela perturbe l’appropriation de la comptine régulière.

de « dix et neuf » à « deux dix » - 1 min 53 s


À ce stade de l’année, il ne peut y avoir de logique de décomposition additive dans les propos des enfants, mais on voit — dès les premières minutes — une logique remarquable de décalage de l’oralisation de la frise numérique. La maîtresse précise qu’on ne dit pas « dix et dix » mais « deux dix ». Et quand elle demande ce qui vient après « deux dix » un élève répond instantanément « dix et onze » (à 35 s).

On remarquera aussi le vocabulaire : sans parler de paquets bien entendu, la maîtresse demande « on arrive à combien de 10 ? », ce qui induit un dénombrement des enfants comme symbolisant le mot « dix ». La maîtresse utilise ainsi un vocabulaire en adéquation avec le futur changement d’unité.

T1c

T1c - L’écriture chiffrée des nombre « comme Tchou »

Dans cette séance la logique de la maîtresse est de partir d’une écriture chiffrée unique prononcée de deux manières différentes. Mais cette logique n’a pas été suffisamment explicite et on s’aperçoit que les élèves émettent des hypothèses sur l’écriture de la comptine de Tchou.

Et en particulier on voit (à partir de 42 s) que, d’une certaine façon, tout ce qui est entendu est écrit. Les élèves sont en effet installés dans les apprentissages fondamentaux de la lecture-écriture.

On peut lire « 10 et 1 », « dix et un » ou encore « 101 ». La maîtresse précise alors sa consigne pour réinstaller une écriture chiffrée en précisant qu’elle est commune aux deux comptines.

Écriture des nombres - 1 min 42 s


On voit bien que la principale difficulté est dans les îlots d’irrégularité de notre comptine orale face à la régularité de son écriture ; de 11 à 20 car à partir de 20, on retrouve une certaine régularité orale : vingt et un, etc., et même avant puisque Tchou va dire « dix et sept » alors que nous disons « dix sept ».

Insistons toutefois sur le fait que pour les auteurs de la méthode, dans les premiers apprentissage — comme c’est le cas ici — le « et » d’un « dix et sept » n’est en rien significatif d’une addition. Cette conceptualisation arithmétique sera bien entendu utilisée, mais ultérieurement.

T1d

T1d - Association par la maîtresse du « dix » à un symbole chiffré

Nous sommes à 14. La maîtresse voit un élève anticiper sur le nombre suivant en changeant seulement le chiffre des unités au lieu de tout effacer comme les autres élèves. La maîtresse va s’appuyer (à 34 s) sur cette procédure personnelle qui, en définitive, lie la régularité orale à la régularité de la comptine écrite. Et c’est tout l’intérêt de la comptine « comme Tchou ».

Dans le fichier — et traditionnellement dans d’autres manuels — on demande aux élèves de colorier d’une même couleur les familles de nombres qui commencent par un même chiffre. On établit ensuite le lien avec la comptine orale : par exemple « trente et un, trente deux... ». Mais pour les nombres qui commencent par 1, dans le cadre de la comptine traditionnelle il est très difficile de faire admettre aux enfants que c’est la famille des dix... Avec Tchou, il y a adéquation entre la façon dont cela se dit et celle dont cela s’écrit.

L’objectif principal de la méthode est de construire deux régularités liées, orale et écrite.

Et, en précision d’une parole approximative d’une élève, la remarque de l’enseignante, en soulignant le 1 de 10, 11, 12, 13, 14 : « il est toujours là le dix » (à 1 min 20 s), est largement prématurée et n’est pas l’objectif de cette séance. La signification de l’écriture chiffrée du nombre ne s’aborde que plus tard.

Association trop rapide - 1 min 52 s


L’extrait se termine par cette consigne « j’efface le 4 je met un 5 et là j’ai dix et cinq » qui renforce complètement que le 1 est, dans la comptine de Tchou, l’écriture associé au mot « dix ».

L’analyse que l’on peut faire est que d’une certaine façon, on est assez près de la proposition initiale des auteurs quant à la règle d’écriture (comme présentée en T1b) mais le dérapage verbal de quelques secondes du « il est là le dix » au lieu de dire simplement que le 1 c’est pour « 1 dix » va faire basculer quelques enfants dans une représentation dont la première manifestation (extrait suivant) n’a pas été comprise dans l’instant ni par la maîtresse ni par les deux autres adultes présents pour filmer, tellement elle a été surprenante pour chacun et affirmée de la part des élèves. C’est seulement sur le banc de montage que les représentations mises en jeu se sont éclaircies.

T1e

T1e - Quand « deux dix » s’écrit 21

L’activité de l’écriture du nombre suivant se poursuit. Nous en sommes au passage du « dix et neuf » au nombre suivant qu’il s’agit d’écrire avec cette nouvelle pratique d’effacer seulement le dernier nombre. L’idée est bien entendu de dire que quand le nombre prononcé devant dix change, il faut effacer tout le nombre et... faire dire la règle d’écriture de T1b par les élèves.

La camera suit le regard d’un élève qui (à 23 s) se réfère explicitement à la frise murale. D’autres utilisent le fichier ouvert et ont la frise chiffrée sous les yeux.

Ainsi, à la grande surprise de la maîtresse, quatre élèves écrivent 21, On le voit à 44 s et à 52 s : cette dernière élève va insister sur cette représentation qu’elle ne considère pas du tout comme erronée.

La maîtresse réactive alors la représentation des « dix » par des élèves (les deux mêmes que dans T1b) et on voit bien dans l’échange que le « 2 - 1 » de l’élève n’est pas compris. En particulier parce que cette visualisation en décomposition additive dépasse largement l’objectif de la régularité de la comptine orale de Tchou.
Et même si cette démarche de représentation de la quantité ne met pas en péril la séance, elle oblige les enfants à gérer beaucoup plus de choses que ce qui est nécessaire pour l’objectif initial.

Alors « Deux dix » s’écrit 21 - 2 min 09 s


En fait ce « deux un » (prononcé à 55 s) correspond parfaitement à ce qu’a dit la maîtresse dans l’extrait précédent : « il est là le dix » en soulignant le 1 de 11, 12, 13... Donc écrire « deux dix » en chiffres par 21 est cohérent, c’est une écriture algébrique comme on écrirait 2d si d est une dizaine. Mathématiquement c’est la classique action du groupe Z sur tout ensemble qui permet d’écrire que 2u c’est u + u : la multiplication externe, ici simplement perçue comme une traduction symbolique du langage (voir aussi le livre du maître de Tchou p. 39 où l’on dit brièvement que cette lecture « deux - un » a aussi été enseignée).

Chez les enfants, les essais spontanés d’écritures chiffrées du nombre traduisent les questionnements qui ont accompagné la genèse de l’écriture des nombres.
D’un point de vue didactique on notera que les enfants sont particulièrement attentifs à ce que dit la maîtresse et l’interprètent instantanément : à la première occasion leur interprétation s’exprime avec une logique implacable qu’il peut ne pas être facile de comprendre dans l’action comme ce fut le cas ici.

T1f

T1.f - Quand « deux dix et deux » s’écrit 112

Quelques instants après, il s’agit d’écrire le nombre suivant à « deux dix et un ». La maîtresse n’a pas encore mentionné que l’on peut appliquer la règle d’effacer le chiffre de droite. On voit plusieurs élèves le faire (dont une clairement à 8 s).

Un élève, n’ayant pas la possibilité de voir les autres ardoises (comme à 13 s) propose une écriture personnelle (112 pour « deux dix et deux » puis 113 pour le suivant). Les règles d’effacement mises en évidence par la maîtresse ne viennent pas perturber ses hypothèses d’écriture.

La représentation du 1 comme « dix » vient de la même origine que dans l’extrait précédent, mais la mise en œuvre est différente, à la fois plus complexe et moins assurée (puisque l’élève n’a pas écrit l’écriture de « deux dix et un »).

Et « deux dix et deux » s’écrit 112 - 1 min 42 s


Les nombres avant dix (« deux dix ») sont comme écrits dans une numération additive — d’archétype l’écriture égyptienne — et le dernier nombre est comme écrit dans une écriture positionnelle. C’est l’oralisation du « dix » qui fait le basculement implicite d’un mode à l’autre. Ainsi 34, dans cette logique, s’écrirait 1114.

Remarque : la persistance de certains élèves à chercher une écriture chiffrée propre à Tchou nous invite à penser qu’il serait préférable d’accorder plus de temps à la double oralisation d’une même écriture chiffrée en utilisant explicitement une grande frise numérique collective.

Avant d’aborder la deuxième séance, l’onglet suivant propose un extrait vidéo sur l’apprentissage des boîtes de Picbille qui peut expliquer le changement de comportement de l’élève de cette vidéo comme on va le voir en T2a.

Orient

Orientation des élèves face à face

Nous sommes ici dans une toute première utilisation des boîtes de Picbille : il s’agit essentiellement d’apprendre à fermer la boîte quand on arrive à 5. Pour les élèves nous ne sommes pas en mathématiques, même s’ils peuvent apprendre à anticiper. L’activité la plus longue — en ce début de septembre — est d’apprendre à écrire le prénom des autres enfants avec qui on va jouer.

Sur cet extrait, on voit que l’élève dont on parle dans la page T2a est juste à côté des deux enfants qui vont avoir à faire avec la symétrie du face à face et l’orientation de parcours des boîtes de Picbille.
Cet épisode, assurément non anodin pour les enfants, a peut-être influencé les représentations de cet enfant et fait évoluer ses procédures personnelles (au début correctes) par un questionnement non pris en compte (comme ici, car ce n’était pas l’objectif) sur les mouvements de nos micro-espaces plongés dans un espace plus vaste qui autorise des regards différents.

Le Jeu à 5 et l’orientation dans le méso espace - 1 min 03 s


Là encore, on voit clairement, sur ce genre de micro-épisode, que les jeunes enfants adaptent constamment leurs stratégies en fonction des informations qui leur parviennent ou de leurs interprétations de ces informations. Dans ce cas, l’information est clairement incomplète, d’où des choix individuels à construire peu pertinents.

Si dans l’action il est parfois difficile — et ici c’était la première fois que la classe travaillait en groupe : il y avait d’autres facteurs à gérer— de voir les enjeux, en terme de causalité, de ce que peuvent construire les élèves à partir de nos discours et de nos comportements, le recul de la vidéo témoin permet cette démarche et devient donc — dans cette situation comme dans T1e — un précieux outil de formation initiale ou continue.

T2a

T2a - L’ardoise dans la classe, le micro et le méso-espace

Nous retrouvons ces mêmes élèves quelques semaines plus tard, en commençant par cette activité de l’écriture et la lecture « comme Tchou » du « nombre suivant ». On peut remarquer quelques persistances des premières représentations (le même élève écrit « dix et un » en lettre). Mais cet extrait est centré sur la perception spatiale d’un élève (de 34 s à 45 s), encore au fond de la classe, un peu en retrait, seul à une table.

Contrairement aux autres enfants, il décide de ne pas retourner l’ardoise, mais de la déplacer en translation (de 50 s à 60 s). Pour être correctement lisible par la maîtresse, il a développé une procédure personnelle qui consiste à écrire en miroir comme si, soit l’absence de rotation de l’ardoise, soit sa propre lecture de l’ardoise par dessus, nécessitait cette transformation d’écriture

Ardoise - Micro, méso-espace et orientation - 2 min 43 s


Nous sommes donc là, avec la manipulation de l’ardoise (rotation ou translation) dans une démarche cognitive relative au plongement du micro-espace qu’est l’ardoise dans le méso-espace qu’est la classe. Plus précisément, la procédure personnelle engagée répond à la question de la perception relative de l’ardoise par la maîtresse sachant que je suis en face d’elle.

L’élève peut savoir que dans cette situation de face à face, la gauche de l’un est la droite de l’autre, et comme on a régulièrement parlé d’effacer le chiffre de droite, il est facile de construire de telles représentations.

Mais une autre possibilité est l’expérience sur l’orientation des boîtes de Picbille d’enfants face à face, de l’extrait précédent.

T2b

T2b - Correction de l’écriture précédente

Certes, sur cet extrait, nous nous éloignons de la problématique spécifique à la méthode Tchou. Cet extrait contient les cheminements de l’élève qui doit rectifier sa procédure personnelle de communication sur l’ardoise. Nous avons choisi de présenter ces quelques minutes, car elles renseignent sur les hésitations et l’évolution intérieure rapide des représentations.

On voit aussi comment la maîtresse essaie de ne pas dire à l’élève ce qu’il a à écrire, et comment elle le renvoie à sa propre analyse de la situation.
Enfin on voit que l’écriture du 7 est encore peu sûre pour un nombre non négligeable d’enfants, ce qui reste très classique à cette période de l’année.

Correction de l’écriture précédente - 2 min 02 s



T2c

T2c - Quand « deux dix » passe de 11 à 20

Lors de la découverte des nombres « comme Tchou », un élève avait écrit 11 pour « deux dix » et nous avions détaillé pourquoi. Cette fois on voit que s’il réactive cette représentation, il ne s’y installe pas, et après une hésitation (fin de l’extrait : le 3 est-il le suivant du 2, pour écrire le nombre suivant ?), il sait exprimer clairement ce qu’il écrit, ce qui n’est pas encore le cas de tous les élèves.

On peut voir à 1 min 14 s que certains élèves utilisent clairement la frise murale et plus généralement que la lecture des nombres « comme Tchou » est encore en apprentissage.

Par contre il est assez délicat d’interpréter le 1112 pour le suivant de « dix et neuf » (on le voit de 37 s à 42 s). On peut envisager que 11 représente « deux dix » et 12 est le suivant de 11, car, 11 signifiant déjà 11, cela ne peut être l’écriture de « deux dix ».

Quand « deux dix » redevient 20 - 1 min 51 s


D’un point de vue didactique on retiendra que ces différentes représentations, si elles sont éphémères et donc peut-être peu importantes sur le long terme dans les apprentissages, témoignent assurément de la richesse de l’activité cognitive des enfants et de leur ajustement permanent, en particulier à l’environnement immédiat — c’est clair sur les différents extraits — et plus généralement à la classe.

Une sorte d’autorégulation de la réponse semble se faire jour avant même que le sens de cette réponse soit acquis. Et c’est donc de notre responsabilité d’enseignant de ne pas se satisfaire de cette pratique sociale, mais de questionner régulièrement la prise de sens. En particulier en CP, où ce questionnement ne peut pas être frontal, mais doit être dilué dans une interaction fine qu’il n’est pas toujours aisé de conduire.

T2d

T2d - Premier jeu de doigts à deux mains

Nous abordons maintenant les premières activités de calcul* qui vont préfigurer le calcul réfléchi du cycle 2 en général et la visualisation mentale par reconstitution de la vision d’autrui, propre à la méthode Tchou, que nous aborderons plus loin.

Dans cette séance les élèves travaillent sur les complètements à 10 pour la première fois — et donc sur deux mains au lieu d’une seule. La maîtresse annonce le nombre de doigts repliés ; les élèves doivent indiquer sur l’ardoise le nombre de doigts levés.
Ce premier extrait montre les difficultés de l’exercice que l’on voit bien dans la prégnance des activités préalables sur une seule main (non filmées).

Jeu de doigts - 2 min 13 s


* Pour Brissiaud, « calculer » signifie assez généralement « la mise en relation de quantités ». On voit clairement dans cet extrait et les suivants que pour les premiers apprentissages, on n’empêche pas le comptage ou même le surcomptage : c’est une première approche, d’autant qu’on joue avec les doigts, mais ce n’est pas ce que l’on appelle véritablement du calcul.

En fait, l’un des enjeux majeurs de l’arithmétique au cycle 2 est d’arriver à ce que les élèves calculent réellement. Les méthodes mises en jeu se veulent (toutes) un désapprentissage du surcomptage en proposant — et en habituant les élèves à trouver avec — des procédures de calcul réfléchi plus efficaces.

T2e

T2e - Jeu de doigts - procédures personnelles

Suite de l’activité précédente : au début de l’extrait on a deux doigts repliés. L’enfant au premier plan replie naturellement le pouce et l’index et trouvera 8 (on ne le voit pas sur l’extrait). D’autres comptent aussi sur les deux mains, même si beaucoup d’enfants comptent sur une main.

Au deuxième exemple on a 4 doigts repliés. On voit (à 1 min 40 s) clairement la même élève qui laisse les 4 doigts levés et compte donc 9 (par dénombrement des doigts). Et comme le résultat est 6, sa façon d’écrire 9 ne permet pas, dans une vérification rapide, de savoir si l’ardoise est à l’envers ou si il y a erreur de procédure.

Dans le troisième exemple (5 doigts repliés) on voit (autour de 2 min 08 s) un élève — qui avait compté sur une seule main au début et semblait déçu de son résultat — comprendre la démarche et écrire le résultat sans comptage.

Pointage sur les procédures personnelles - 2 min 36 s


On voit donc tout d’abord que certains nombres peuvent induire chez certains élèves, pour de simples raisons kinesthésiques, des procédures personnelles erronées qui peuvent s’installer, et qui peuvent ne pas être toujours détectables sauf à prévoir un marquage sur 6 et 9 par exemple.

On observe aussi que des configurations simples dans le dernier exemple (un appui à 5 sur un calcul de complément à 10) peuvent favoriser l’entrée dans autre chose que le simple comptage et donc commencer à faire germer l’idée que d’autres procédures que le comptage peuvent être efficaces : c’est dans ce type de réussite intermédiaire entre le comptage et le calcul* que l’on installe les élèves dans une écoute d’apprentissage au calcul. Avec cette subtilité que tout ici est (encore) fait en acte, en regardant les doigts.

* En CP on utilise souvent le subsitizing ou ses prolongements sur les constellations.

T2f

T2f - Dictée de doigts

Cette séance se termine par une dictée de doigts, toujours pour favoriser un réflexe orienté plus vers le calcul — ou des techniques de reconnaissance visuelle rapide — plutôt que le comptage : les élèves savent qu’ils n’auront pas le temps de compter dans ce type de dictée.

À 18 s, l’élève qui pré-écrit dans le nuage vert écrit (à l’envers) le 7 de l’exemple de la maîtresse, ce qui va décaler ses résultats sans peut-être qu’il en ait conscience. À 1 min 44 s on peut penser que l’élève a compté compte tenu du temps qu’il a mis pour écrire la réponse. Correction à 1 min 55 s

Dictée de doigts - 2 min 43 s


Comme dans des activités précédentes, la dictée de doigts participe de cet apprentissage général que d’autres outils que le comptage un à un peuvent être mis en œuvre pour compter comme ici, puis calculer ensuite, comme dans la correction du dernier exemple où la maîtresse montre (en acte sans même dire quelque chose) qu’on peut échanger les doigts des mains et reconnaître 5.

T3a

T3a - Nouvelle activité de jeu de complément à 10 et correction

Nouvelle séance qui commence par quelques exercice d’échauffement sur les compléments à 10 en vue d’une dictée sur le fichier. Dans cet extrait les corrections sont incrustées dans la vidéo, et on peut ainsi observer l’attention ou l’inattention des élèves concernés par les erreurs traitées.

On continue d’observer certaines procédures erronées : celle qui n’utilise qu’une main et celle qui consiste à compter les doigts annoncés comme repliés sur une main.

On peut voir à nouveau clairement cela autour de 2 min 24 s.
Avant on aura remarqué que certains élèves appliquent la consigne d’indiquer par une petite marque le bas de l’ardoise, même sur des nombres où ce n’est pas nécessaire.

Nouveaux compléments à 10 et corrections - 3 min 05 s



T3b

T3b - Suite de l’activité précédente

Extrait vidéo où l’on voit la diversité des réponses des élèves et une certaine stabilité (par rapport à l’extrait précédent) chez ceux qui ont des procédures assurées.
Dans le second exemple (1 doigt replié) on peut observer que les élèves engagent des actions sur les mains mais que peu (on en voit essentiellement un) comptent les doigts (pour des réponses 9 ou 4), comme si les élèves savaient qu’on cherchait l’antécédent d’un nombre connu (5 ou 10).
« Comme si les élèves savaient », car il s’agit bien de l’interprétation d’un adulte : les représentations des enfants peuvent être éloignées, même si les procédures engagées correspondent.

Evolution et stabilité des procédures - 1 min 34 s



T3c

T3c - Dictée de compléments à 10 sur le fichier

Cette partie de la séance se termine par une dictée du jeu des doigts repliés. On a mis en évidence (par exemple à 1 min 07 s en les mettant côte à côte) les deux procédures utilisées.

D’autres comportements sont intéressants, par exemple l’erreur de l’élève à 1 min 48 s sur 0 doigt replié (il écrit 0 doigt levé) corrigée dans l’interaction de la question suivante et d’un contact avec le voisin : clairement cette interaction est ici porteuse de sens.

Revenons sur l’erreur de procédure qui consiste, par exemple comme on l’a vu ici, à compter 4 doigts d’une main quand les doigts sont dits repliés. On peut remarquer que dans le cas de l’apprentissage sur une main, les élèves savent ce qu’ils ont à compter et font naturellement le complément : ainsi si sur une main on a 4 doigts repliés on peut montrer 4 doigts et compter celui qui est replié.

Cette procédure personnelle est (peut-être) un sous produit du subsitizing puisque sur une main, dès qu’un doigt est plié, on ne compte plus, on regarde la main : deux procédures sont possibles et sont probablement employées indifféremment selon la facilité que l’on a ou non à plier les doigts.

Dictée de doigts sur fichier - 2 min 24 s


Mais quand on passe aux deux mains, comme on va compter, généralement, les doigts de toute une main ouverte, la procédure personnelle du complément est perturbée puisque qu’il est difficile sur une main de compter les doigts dépliés et sur l’autre les doigts pliés.

Ainsi est-il possible que la facilité d’utiliser le subsitizing sur les doigts d’une main encourage des procédures personnelles qui deviennent erronées quand on passe à deux mains. Encore une fois c’est l’analyse des procédures récoltées en vidéo qui permet d’émettre cette hypothèse.

T3d

T3d - Schématisation des couvercles des boîtes de Picbille fermées

La suite de la séance consiste d’une part à schématiser — en acte — les couvercles des boîtes de Picbille — pour conceptualiser encore une fois le pivot à 5 et favoriser la décomposition en 5 + n d’un nombre entre 5 et 10.
La suite de cette activité (dans l’extrait suivant) va consister à changer de cadre et faire le lien entre les boites de Picbille, les doigts et l’écriture chiffrée.

Cette activité qui se veut ludique — et qui est prise comme cela par les élèves — participe à la stabilisation du pivot à 5 : un élève qui a 7 jetons dans le dessin de sa boîte et en recouvre 5 voit dans cet acte du recouvrement par une languette, la décomposition 5 et 2 sans pour autant compter.

Schématisation du « jeu à 5 » - 3 min 51 s


Le montage respectant la temporalité, on voit la différence d’efficacité procédurale, en général, entre les garçons et les filles qui finissent largement plus tôt.

Comme signalé dans un extrait précédent, le fait qu’on travaille sur des petits nombres permet d’engager la reconnaissance instantanée (le subsitizing) et donc propose une activité numérique qui devient de l’arithmétique car pendant quelques minutes les élèves ne vont pas compter.

On va voir, à l’extrait suivant, qu’en fait certains continuent de compter.

T3e

T3e - Changement de cadre autour des appuis à 5

Ce dernier extrait commence par une demande de métacognition des élèves : « qu’est-ce qu’on vous demande de faire ? ». Il est intéressant de voir la progression de la précision dans les réponses des trois élèves.

Le passage d’un couvercle à une main pleine renforce la reconnaissance du 5 dans différentes configurations organisées. On peut penser que ce type de démarche étend le subsitizing jusqu’à 5 au moins, en particulier dans des configurations organisées.

Ensuite on s’attend à ce que les élèves, à ce stade, pratiquent le surcomptage en général et, pour certains, commencent effectivement à calculer.

Sur cet extrait, seule une élève recompte effectivement tous les jetons (y compris sous le couvercle) mais pour le seul nombre 9. Elle écrit le 9 après avoir compté, mais on ne voit pas si c’est un comptage pour dénombrement ou si c’est un comptage pour confirmer un surcomptage préalable.

Changement de cadre sur les appuis à 5 - 2 min 40 s


Nous avons vu avec les extraits de ces trois séances, l’entrée dans la méthode Tchou et sa pratique régulière sur la première période et le tout début de la seconde.

Dans l’item 3 intitulé Visualisation, nous aborderons l’autre importante pratique de cette méthode qui, elle, se poursuit sur le CE1.

La pratique de la comptine de Tchou sera réinvestie dans l’item 4 qui se pratique en parallèle à partir de la période 3.


Visualisation | Calculs en ligne | Schématisation

Commentaires

mercredi 23 mai 2012 à 02h28

Je sens comme un pb : on considère avec Tchou les élèves comme étant tout ’’neufs’’, sans savoirs aucuns...Or ils arrivent en Cp avec un savoir construit en maternelle mais également avec leurs parents.
Ainsi, il me semble que la méthode proposée embrouille les élèves : ainsi celui qui écrit 11 pour deux dix (dix remplaçant en fait le mot diziaine ou groupe de dix), car pour lui, c’est 1 et encore 1. Puis, connaissant déjà l’écriture chiffré de ce qui vient apres 11, soit 12, finit par noter 11 12 selon une autre logique : la surchage cognitive est ... phénoménale ?
L’élève doit en effet déconstruire ce qu’il a appris pour entrer dans la logique de Tchou, mal mis en oeuvre par la maitresse elle même ! (on le voit le dix ... hum, en effet !).
Je trouve la méthode difficile à s’approprier. Et je pense que l’on peut carrément mettre en échec certains élèves si on l’utilise mal.