Interprétation et modèles en géométrie (Partie 2)

2 - Modèle d’espace projectif fini
samedi 30 mai 2009
par  Yves MARTIN

Le plus petit espace projectif fini a plusieurs modèles mais celui du tétraèdre est de loin le plus esthétique et le plus parlant. Cet article présente deux belles figures dans lesquelles on peut parcourir les faisceaux de droites et les plans de l’espace projectif, puis le partitionnement de l’espace en droites disjointes.

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La définition axiomatique des espaces projectifs à partir des configurations est plus complexe que pour les plans. On la donne ici à titre culturel, mais on peut aussi aller directement à la deuxième partie de cet article, argumentant la remarque finale de la première partie.

1. Définition axiomatique des espaces projectifs

On rappelle déjà les axiomes des plans projectifs et leurs propriétés :

P1. Deux points sont toujours contenus dans une unique droite.
P2. Deux droites distinctes ont toujours un unique point d’intersection.
P3. Il existe quatre points tels que trois d’entre eux ne sont jamais alignés.

Il existe un entier n, l’ordre du plan tel que
• les droites ont n + 1 points,
• par un point il passe n + 1 droites,
• le plan contient $n^2+n+1$ points et autant de droites.

Les exemples classiques sont les plans projectifs PG(2,n) [1] sur un corps à n éléments. Pour n = 2, 3, 4, 5, 7, 8 l’unique plan projectif est celui issu des structures algébriques. A partir de n = 9, il existe des plans projectifs d’ordre n qui ne relèvent pas de PG(2,n). Cette possibilité ouvre la question des plan projectif d’ordre n > 9 dans une dimension où il n’existe pas de corps. Le cas d’un éventuel plan projectif d’ordre 10 a longtemps été une question ouverte, mais on sait maintenant — par programmation — qu’il n’existe pas de plan projectif d’ordre 10.

Pour aller au delà, et définir des espaces projectifs dont les définitions vont contenir les espaces de toutes dimensions intermédiaires, il faut préciser des définitions supplémentaires.

En particulier, on doit définir un triangle : un ensemble de trois droites deux à deux sécantes en trois points distincts. Les droites seront dites les côtés du triangle et les points d’intersection ses sommets. Dans ce contexte, les axiomes d’un espace projectif peuvent alors être les suivants :

Espace projectif

E1. Deux points sont toujours contenus dans une droite et une seule.
E2. Une droite qui coupe deux côté d’un triangle sans passer par aucun sommet de ce triangle coupe le troisième côté du triangle.
E3. Toute droite contient au moins trois points.

Une géométrie qui vérifie ces trois axiomes est dite un espace projectif.

L’axiome 2 n’est rien d’autre qu’un axiome de Pasch fini. C’est lui qui va permettre le processus de construction décrit ci-après :

Construction des sous espaces d’un espace projectif

• Les droites de la géométrie sont dites des sous espaces de dimension 1.

• Pour tout entier m > 1 on construit par récurrence les sous espaces de dimension m à partir de ceux de dimension m - 1 de la façon suivante :
on considère un sous espace de dimension m - 1 et un point qui ne lui appartient pas. Alors le sous espace de dimension m généré par ce point et l’espace de dimension m - 1 est la réunion de toutes les droites passant par ce point et un point du sous espace générateur.

• Si pour une valeur de m, un sous espace de dimension m coïncide avec l’ensemble de la géométrie, on dit que cette géométrie est un espace de dimension m. Ainsi chacun peut vérifier qu’un espace projectif de dimension 2 avec cette définition n’est rien d’autre qu’un plan projectif défini préalablement avec les axiomes des plans projectifs.

• De même tout n-sous espace d’un espace projectif est un espace projectif de dimension n. Pour n = 2 on parle alors de sous plan. On montre alors que tous les sous espaces projectif de dimension donnée d’un espace projectif comporte le même nombre de points. Si n + 1 est le nombre de points d’une droite, on dit que l’espace projectif est d’ordre n.

De cette façon (mais il faudrait plus détailler bien entendu) on retrouve les espaces projectifs classiques et les structures de sous espaces.

En particulier on montrerait — contrairement aux plans — que pour m > 2 et pour n une puissance d’un nombre premier, il n’existe qu’un seul m-espace projectif d’ordre n.

2. Le plus petit espace projectif PG(3,2)

D’après la remarque précédente, quelque soit la méthode de construction, c’est donc un espace de dimension 3 sur le corps Z/2Z. Cela signifie que chaque droite a 3 points et que par chaque point il passe 7 droites. L’espace va avoir 15 points, 35 droites et 15 plans projectifs.

Il existe bien entendu des modèles plans de cet espace à 15 points, et en particulier, l’un des 80 STS(15) est un modèle de PG(3,2).

Mais en géométrie finie, on cherche aussi les modèles les plus symétriques qui soient. Et pour cet espace projectif, il existe un modèle [2] parfaitement symétrique : celui du tétraèdre régulier avec comme point ses sommets (4), les milieux de ses arêtes (6), les centres des faces, pieds des hauteurs, (4) et l’orthocentre (1) : soit bien les 15 points. Les droites sont les suivantes :

<carmetal|doc=530|largeur=760|hauteur=541>

Une fois les droites observées, voyons leurs faisceaux, et surtout les plans projectifs que cet espace contient. En effet, si 10 des 15 plans sont des plans de Fano comme déjà vu dans le premier article consacré à l’interprétation, 5 plans sont des modèles spatiaux ce qui donne l’occasion de voir deux nouvelles interprétations des plans de Fano :

<carmetal|doc=534|largeur=781|hauteur=607>

3. Partitionnement de PG(3,2) en droites disjointes

La problématique du partitionnement en droites disjointes et propre aux espaces projectifs puisque dans le plan les droites sont toujours sécantes.

La figure suivante est la mise en version dynamique des résultats connus sur ce sujet, mais cette dimension dynamique permet l’observation rapide des propriétés de ces partitions (même si là elles sont déjà pré-classées)

<carmetal|doc=548|largeur=852|hauteur=602>

On remarquera que le magnétisme algébrique utilisé dans la figure précédente modifie la règle de base du déterminisme des figures qui veut que, quand les objets constitutifs d’une figure reviennent à des conditions antérieures, toute la figure revient à sa condition antérieure. Ici ce n’est plus le cas : déplacer U ou V modifie l’attraction possible de l’autre paramètre, et on peut ne pas revenir dans au partitionnement précédent en replaçant U et V dans des conditions préalables.

Certains y verront un danger quant à l’utilisation du magnétisme algébrique complexe, d’autre une prise de liberté sur la règle précédente. En pratique dans une figure complexe comme celle-ci où l’on veut explorer les différentes partitions possibles, généralement on ne remarque même pas le phénomène.

En classe, utilisé cette possibilité peut être l’occasion — si on le souhaite — de disposer d’une variable didactique supplémentaire.

Plus sur le sujet avec un exemple en lycée sur les centres de similitude (en fin d’article).

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[1Notation anglo-saxonne pour Géométrie Projective en dimension 2 d’ordre n.

[2Au sens d’interprétation vérifiant tous les axiomes.


Documents joints

Les droites de PG(3,2)
Plans de PG(3,2)
Partionnement de PG(3,2)

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