Fifangha

un jeu malgache disparu
samedi 14 octobre 2023
par  Alain BUSSER

En 1657, dans son histoire de la grande isle Madagascar, Étienne de Flacourt décrit un jeu qu’il appelle fifangha et qu’il a vu jouer quelque part à Madagascar au milieu du 17e siècle.
En 1908, André Dandouau, instituteur à Fianarantsoa, publie un article sur les jeux malgaches, jeux du katra où il décrit un jeu de semailles qu’il appelle katra fandatsaka et qui ressemble beaucoup au fifangha. Depuis ce jour, plus personne n’a témoigné avoir vu ce jeu. Le fifangha a donc disparu.
Dans cet article on va décrire une reconstitution du fifangha. Le jeu Fang qui en est une simplification, est décrit dans un autre article parce qu’il vise moins un public d’historiens, que des PE : Fang aide à construire le nombre.

katro

Un jeu de semaille est très connu à Madagascar, il s’appelle katro.

Le jeu se joue sur un plateau de 4 rangées de 6 lignes (donc plus petit que celui du Fifangha) et dès le début du jeu il y a 2 graines par case, soit 48 graines en tout sur le plateau. Le fait que le nombre de graines soit constant, ne prémunit pas contre les parties de durée infinie.

Contrairement au katro, le Fifangha se joue à nombre de graines croissant sur le plateau (c’est le total des graines sur le plateau et dans les mains de joueurs qui est constant, égal à 64).

Sur le katro, voir ici une programmation en Python (pour NSI).

variantes

En 1908, André Dandouau, instituteur à Madagascar, a publié le petit livret suivant, qui décrit sous le nom de katra fandatsaka un jeu très similaire au fifangha :

Note : dans cet article il est fait allusion à un jeu appelé fanga et que Luc Tiennot décrit comme un jeu « qui semble correspondre au jeu décrit sous le même nom par Flacourt au milieu du XVIIe siècle ». Or la position initiale du plateau ne correspond pas à la situation décrite par Flacourt, qui évoque plus le Bao (jeu) avec une phase préliminaire où on place des graines avant de les semer « normalement ».

Les jeux à nombre de graines croissant sur le plateau, semblent localisés dans la zone swahili. Celle-ci comprend une partie de Madagascar (le pays sakalava) mais cette zone était inconnue de Flacourt qui ne l’a jamais visitée.

L’article de Dandouau étant nettement plus récent que le récit de Flacourt, on fera ici l’hypothèse que le katra fandatsaka résulte d’une évolution (vers la complexité) du fifangha. Ceci dit, Dandouau ne dit pas sur quelle côte il a observé le katra fandatsaka et il est très possible que le bao soit arrivé à Madagascar sur les côtes Est et Ouest, de manière indépendante, et qu’il ait évolué à partir de là, vers les formes

  • fifangha sur la côte Est
  • katra fandatsaka quelque part sur une côte (Fort Dauphin ? Nosy Be ?...)
  • katra sakalava sur la côte Ouest
  • katro et fang un peu partout (simplification extrême puisqu’il n’y a plus la phase 1 du bao)
  • et un jeu unique au monde, où on sème en boustrophedon...

Le récit de Flacourt, quoique parfois complexe, est plutôt évasif par moments et pour reconstituer le fifangha il est souvent nécessaire de faire des hypothèses. Pour ceci, comme l’écrit Flacourt,

Ce jeu est assez récréatif, et s’apprend plus facilement en jouant, que de parole.

On va donc simuler ici une partie et, à chaque étape, expliciter les hypothèses.

Le fifangha est un jeu d’esprit [...], il tient [...] du Trictrac.

Matériel de jeu

On joue avec certains fruits ronds qu’ils nomment basia, sur une tablette de bois, où il y a 32 trous en 4 rangs, 16 servant à un joueur, et 16 à l’autre. .

D’après Dandouau, le mot basia désignait en vieux malgache les plombs des fusils. Il s’agit donc de graines dures et rondes, donc probablement les graines du caesalpinia bonduc que les mahorais appellent tso. C’est la graine la plus utilisée dans les jeux de semaille.

Le plateau est plus grand que celui du katro (8 colonnes au lieu de 6) mais on peut aussi jouer à fifangha sur un plateau plus petit :

nombre de colonnes nombre de graines par joueur nombre de graines dans la réserve
8 (fifangha) 32 26
6 (katro) 24 20
4 (katro pour enfants) 16 14

Le nombre initial de graines dans la réserve du joueur, est un paramètre important, puisqu’il est égal au nombre maximum de coups joués par chaque joueur.

La ressemblance avec le trictrac et le fait que Flacourt a testé le jeu avec des jetons, suggère que l’on prenne des graines de couleurs différentes pour les deux joueurs :

Il faut avoir chacun 32 basia.

Néanmoins, des graines changeront de camp au cours du jeu et il n’est pas intéressant d’avoir des graines de couleurs différentes. D’ailleurs ce n’est pas l’usage.

Pour vérifier que chaque joueur a vraiment 32 graines, on peut, avant de jouer, en disposer 5 par cases dans 6 cases de son camp, et 2 dans une 7e case. Ensuite déplacer le tout dans le réservoir du joueur, et enfin en placer 6 dans les cases centrales.

tsibongy

Les premiers trous (ou cases) [...], sont les [...] tsibongy, il y en a 4.

Selon Dandouau, en malgache, tsibongy désigne un abri. La prononciation approximative est « tchiboungue » (en malgache la voyelle finale est muette). Flacourt écrit chibon ou chibou mais ici on simplifiera en tibong.

Dans le bao la kiswahili de Zanzibar, il y a deux cases qui jouent un rôle similaire aux tibong :

  • le kichwa qui est la case du bord, à partir de laquelle on sème les graines prises à l’adversaire [1],
  • la nyumba qui jouit de privilèges (on ne l’attaque pas de la même manière que les autres).

Il y a en fait deux autres cases spéciales (autres que les 32 cases du plateau), ce sont les réservoirs où on place les 26 graines par joueur avant de jouer :

On joue avec 64 boulettes que l’on nomme basia, lesquelles on met à un ou deux réservoirs qu’il y a à 1 ou 2 extrémités du jeu, on peut aussi jouer avec des jetons.

Début du jeu

Flacourt écrit :

On garnit premièrement les 12 cases du milieu de chacun un basia.

Comme chacun avait 32 graines en tout et en a placé 6 (dans les cases de sa rangée intérieure autres que les tibongs), il lui reste 26 cases dans sa réserve. Comme un tour de jeu commence par le transfert d’une graine, depuis la réserve vers le plateau, chaque joueur joue au maximum 26 fois.

On suppose que c’est Sud qui joue en premier.

Tour 1

Sud joue.

Puis le premier joueur porte un basia dans une des cases du milieu [...],

et prend le basia dans la case opposée à celle où il a placé son basia et le porte dans un des 2 [...] tibong qui sont de son côté.

Plus loin, on généralisera cette règle à

Pour jouer un tour, on prélève une des graines de sa réserve, la place dans une des cases non vides de sa rangée intérieure, puis on prend toutes les graines qui sont en face (dans la rangée intérieure de l’adversaire), et on les sème à partir d’un de ses tibongs.

Flacourt ne précisant pas comment on détermine à partir de quel tibong on démarre le semis, on fait l’hypothèse que c’est au choix, du moins lorsque les deux tibongs sont vides.

Tour 2

Nord joue.

L’autre joueur a un basia dans sa main et le place dans [...] une des [...] cases du milieu qui sont de son côté et prend le basia de la case opposée et le porte à un des deux [...] tibongs qui sont de son côté.

Flacourt sous-entend qu’il y a un basia dans la case opposée, ce qui mène à cette règle :

On joue prioritairement une case occupée qui fait face à une case occupée.

Tour 3

Sud joue à nouveau.

Le premier joueur prend un basia dans le réservoir et le place dans une des cases de son côté,

et prend le basia opposé et le porte au [...] tibong de son côté,

et s’il y a un basia dans le tibong opposé, il le prend avec ceux qui sont dans son [...] tibong,

puis en porte une dans le second tsibongy qui est de son côté et porte un autre dans une case et le dernier qu’il a en sa main dans la case qui suit et si, à l’opposé, il y a un basia,

il le prend et le porte dans le [...] tibong qu’il a de garni.

Note : le « s’il y a un basia » suggère qu’il peut ne pas y en avoir, et renforce l’idée qu’on puisse choisir le tibong où on sème.

On découvre aussi

  • le caractère récursif de la règle du jeu : si la dernière graine d’un semis tombe dans une case non vide, c’est comme si on venait de démarrer un tour de jeu, on prend les graines de l’adversaire et on les sème à partir d’un tibong de son choix.
  • La particularité du tibong : si on place une graine dans un tibong, on ne prend pas que les graines de l’adversaire mais aussi les siennes propres (celles qui étaient dans le tibong) et on sème le tout, non pas à partir du tibong, mais de la case voisine.
  • le fait qu’on sème les graines une par une et la suite dépend de l’endroit où tombe la dernière graine, notamment si elle tombe dans une case non vide et qu’il y a quelque chose à prendre en face.
  • Flacourt évoque une obligation : « le tibong qu’il a de garni ». La règle serait qu’on joue en priorité l’autre tibong (celui qui est à l’opposé de celui qu’on a joué). Mais dans le cas présent cette règle n’est pas applicable puisque les deux tibongs étaient vides.

On va donc considérer cette règle comme une tactique : il est avantageux de prendre autant qu’on peut, or semer une graine dans un tibong non vide, permet de prendre les graines de l’adversaire.

Ou alors, Flacourt voulait écrire « dégarni » et alors on devait mettre la graine dans le tibong depuis lequel avait démarré ce semis : on reprend le semis à partir du tibong que l’on vient de vider, etc jusqu’à ce que la dernière graine d’un semis tombe dans une case vide.

Flacourt ne précise pas ce qu’il faut faire si le semis finit dans un tibong non vide en face duquel il y a plusieurs graines. Le plus simple est de supposer qu’on commence aussi par la case voisine du tibong (celle que Flacourt appelle second tibong).

Tour 4

Nord joue à nouveau, et attaque la case 6 :

Nord prend alors les deux graines de Sud qui étaient dans la case 6, puis les sème à partir d’un tibong (celui de gauche) :

Du coup, la dernière graine semée tombe sur une case non vide, ce qui permet à Nord d’attaquer à nouveau :

Maintenant Nord attaque un tibong : il prend la graine de Sud et l’ajoute à son tibong :

puis sème le tout, à partir de la case suivante, vers le centre du plateau :

Tour 5

Sud joue.

Sa seule possibilité est de jouer la case 4 parce que les autres cases sont, ou bien vides (donc non jouables), ou bien face à des cases vides (donc non prioritaires).

Sud ajoute donc une graine de sa réserve à la case 4, prend la graine d’en face et la place dans un de ses tibongs :

La position obtenue est alors intéressante : aucun des deux joueurs ne peut prendre de graine à son adversaire.

si les cases à l’opposé de celles où vous avez des basia sont dégarnies et que les autres cases de votre adversaire qui ne sont pas opposées à celles qui sont garnies devant vous, soient garnies, vous faites alors Mamoneatrika.

Mamenoatrika

Le mameno-atrika est une réorganisation des graines (ici, dans le camp de Nord) sans prise. Il consiste à

  • ajouter une graine dans une des cases centrales non vides,
  • prendre le contenu de cette case,
  • semer ces graines à partir de la case voisine de celle qu’on vient de vider,
  • et si la dernière graine tombe dans une case non vide, recommencer : prendre les graines de cette case et les semer etc.

vous portez un basia dans une de vos cases garnies

et vous prenez (avec celui que vous y avez mis), tous les basia qui y sont et en portez un à droite ou à gauche (comme voudrez) dans la case prochaine, l’autre en suivant, jusqu’à ce que le dernier basia soit posé ;

s’il y a un basia ou plusieurs dans cette dernière case vous enlevez encore tout et en garnissez une case en suivant, comme vous avez commencé, et si vous êtes au dernier tibong de ce côté là et qu’il vous en reste dans la main, vous en portez aux cases de derrière,

et s’il y en avait tant dans votre main que toutes les cases de derrière fussent garnies chacune, de ceux que vous y auriez mis, vous porterez le reste au tibong suivant en continuant jusqu’à ce que vous ayez trouvé une case vide où vous laissez le dernier basia, et cela s’appelle mandry (c’est-à-dire dormir, ou se reposer).

Le terme mandry suggère qu’un mameno-atrika peut durer très longtemps, vu que vers la fin du jeu, il peut arriver (comme en témoigne Flacourt) qu’un mameno-atrika continue au-delà de la dernière ligne, et revienne vers la première ligne.

Un mameno-atrika se fait soit vers la gauche, soit vers la droite, mais on ne change pas de sens au cours du mameno-atrika. Par ailleurs, on ne prend pas de graines à l’adversaire lors d’un mameno-atrika.

Le terme mandry (se reposer) pour la fin d’un mameno-atrika, suggère que le maneno-atrika peut durer très longtemps. De fait, le trakatra qui est l’équivalent pour le m’raha wa n’tso est réputé durer si longtemps que l’existence d’un trakatra infini est connue. Dans ce cas, on décrète que celui qui a démarré ce tour infini est perdant du jeu.

L’exploration de cette situation mène à deux théorèmes de Bruno Pagani :

  1. Il n’existe pas de tour de jeu infini avec prise de graine à l’adversaire au cours du tour.
  2. Il n’existe pas de tour de jeu infini apériodique.

Le premier théorème est un corollaire du second. Un exemple de mameno-atrika infini a été présenté lors du séminaire du 11 octobre 2023 :

Cependant, on ignore si ce genre de position peut apparaître au cours d’un jeu réel.

On propose donc la règle du jeu suivante (la plus simple qui soit cohérente avec la description de Flacourt) :

  • Il y a quatre possibilités pour la dernière graine d’un semis :
    • elle tombe dans une case vide ; dans ce cas le tour de jeu s’arrête ;
    • elle tombe dans une case non vide ne permettant pas de prise de graine adverse (case dans la rangée externe ou case non vide faisant face à une case adverse vide) ; dans ce cas on sème ses graines comme au katro, à partir d’une case voisine ;
    • elle tombe dans un tibong non vide ; dans ce cas on y ajoute les éventuelles graines du tibong adverse puis on sème le tout comme au katro, à partir de la case voisine (vers l’intérieur) ;
    • elle tombe dans une case non vide faisant face à une case adverse non vide : dans ce cas on ne prend que les graines de la case adverse, et on les sème à partir d’un tibong de son choix, vers l’intérieur du plateau.
  • Démarrer un tour de jeu consiste à prendre une graine de sa réserve puis l’ajouter à une case non vide de sa rangée intérieure, puis faire comme si c’était la dernière graine d’un semis [2]. Il est donc interdit de placer cette graine dans la rangée extérieure ou dans une case vide. Il est également interdit de faire un mameno-atrika s’il est possible de prendre des graines à l’adversaire : la prise de graines est obligatoire.
  • Si on ne peut pas prendre de graine dès le début d’un tour de jeu, on fait un mameno-atrika : on pose une graine de la réserve sur une case non vide, puis on sème toutes les graines qu’elle contient (y compris celle qu’on vient d’ajouter) à partir d’une des cases voisines, en respectant toujours le même sens de rotation qu’on a choisi au début du tour, et jusqu’à ce que la dernière graine d’un semis tombe dans une case vide. Durant un mameno-atrika, même si à un moment la dernière graine d’un semis tombe dans une case non vide de la rangée interne faisant face à une case non vide de l’adversaire, on ne prend pas les graines de cette case : on continue le mameno-atrika sans prendre de graines.
  • Le joueur qui démarre un mameno-atrika infini est perdant du jeu.
  • Le premier joueur qui ne peut pas jouer parce que sa rangée intérieure a perdu le jeu :

quand les tsibongy et cases de votre côté sont dégarnis vous avez perdu (et de même à l’opposé), et cela s’appelle kamou.

Ici par exemple le joueur Sud est kamo :

Voici la règle du jeu (avec une complication sur le tibong, où on propose que l’attaque d’un tibong adverse contenant au moins 2 graines se fait comme pour une autre case en semant à partir du tibong ; cette complication est un emprunt à Dandouau) sous forme de FAQ :

26 tours sans kamo

Une question reste en suspens : que faire si lorsqu’il ne reste plus de graine dans les réserves des joueurs, aucun d’entre eux n’est kamo ?

Plusieurs réponses ont été proposées à ce problème :

  • On peut déclarer que dans ce cas la partie est nulle (plusieurs jeux de semaille se jouent en plusieurs manches donc ce choix est logique et « traditionnel »).
  • On peut déclarer gagnant celui qui a plus de 32 graines dans ses deux rangées (choix qui a paru naturel à un jeune joueur de fang durant la découverte de ce jeu inspiré de fifangha).
  • On peut jouer à katro sur le plateau ainsi obtenu et ainsi, considérer le Fifangha comme une phase de préparation d’un katro à graines non équiréparties. C’est ce que donne le jeu katra fandatsaka décrit par Dandouau au début du XXe siècle (voir plus bas).

katra fandatsaka

Deux siècles et demie après Flacourt, André Dandouau publiait un article sur les jeux de semaille de Madagascar, tels qu’observés en pays Sakalava :

Il y décrit un jeu très similaire au fifangha, à tel point que les deux jeux sont parfois confondus.

Voici quelques ajouts du katra fandatsaka au fifangha :

  • Le tibong depuis lequel on commence le semis n’est plus choisi librement : si le semis se termine dans une case non vide près d’un tibong (premier ou second tibong chez Flacourt), on débute le semis au tibong le plus proche. Dans les autres cas on peut choisir le tibong à partir duquel on démarre le semis.
  • Si la dernière graine d’un semis tombe sur une case non vide telle qu’en face ce n’est pas vide non plus, on fait pareil : on privilégie les semis vers l’intérieur du plateau.
  • Si on attaque un tibong tel que le tibong adverse contient au moins 2 graines, on le traite comme une case normale (on sème à partir du tibong et non de son voisin).
  • Si aucun joueur n’est kamo au bout de 26 tours par joueur, on continue comme au katro : on sème les graines d’une case contenant au moins 2 graines à partir d’une case voisine et si la dernière graine tombe dans une case non vide, on prend les graines de la case d’en face avant de recommencer le semis (en gardant le même sens).

Ces règles sont proches de celles du m’raha wa tso. D’ailleurs Dandouau décrit, à la fin de son article, un jeu qu’il appelle katra sakalava et qui pourrait bien être un intermédiaire entre le fifangha et le m’raha wa tso. La position initiale est celle-ci :

Les deux cases contenant initialement 3 graines chacune, constituent à elles deux le rova (ou enceinte sacrée). Elles se jouent différemment des autres cases :

  • Lorsque la dernière graine d’un semis tombe dans une des deux cases du rova, on peut arrêter de semer : on n’est pas obligé de rejouer.
  • Lorsque la dernière graine d’un semis (autre que mameno-atrika) tombe dans une case non vide en face d’un rova, on prend non pas les graines de la case en face (pour les semer à partir d’un tibong) mais celles des deux rova.

Dans le m’raha wa tso, les deux cases du rova sont devenues une seule case, de forme carrée, et contenant initialement 6 graines (au lieu de 3+3 pour un rova). La ressemblance est frappante, d’autant qu’au m’raha wa tso on finit comme au katra sakalava si les réserves sont vides avant le kamo : on sème comme au katro.

Alex de Voogt dit avoir observé à la fin du XXe siècle une partie de « katra sakalava » (à Majunga) mais le décrit comme strictement identique au bao (c’est-à-dire au m’raha wa tso), donc ce n’est pas exactement le jeu décrit par Dandouau, lequel n’a pas été vu depuis.

Simplification

On voit peu de plateaux à 32 cases à Madagascar, les plateaux à 24 cases sont plus répandus. On peut y joueur à un fifangha simplifié, avec 20 graines par joueur dans la réserve avant de jouer :

Il est même possible de faire encore plus petit, avec 14 graines par joueur dans la réserve avant de jouer, et 16 cases en tout :

En 1956, l’archéologue J.H. Chaplin a découvert chez les Bemba (peuple) de Zambie, un jeu similaire au Fifangha mais qui ne se jouait que sur deux rangées (une par joueur). Au lieu de semer en rond, on sème de gauche à droite, et s’il y a plus de 8 graines à semer, on sème la 9e dans le tibong (case la plus à gauche) etc. Chaplin, et après lui Deledicq et Popova, ont nommé ce jeu Isolo mais ce n’est pas le Isolo classique : il s’agit d’un plateau réduit à une ligne par joueur.

Pour faire encore plus simple, il faut réduire le nombre de rangées, et on obtient une sorte de fifangha à une seule rangée : le Fang.

Fifangha en GS

Le fifangha paraît plus simple que le katro pour de élèves non latéralisés, parce qu’on sème depuis un tibong vers l’intérieur, ce qui ne nécessite pas de savoir que c’est de gauche à droite. De plus, il est plus facile de repérer un tibong que la case voisine (en plus, certains enfants ont tendance à semer depuis la case elle-même et non depuis sa voisine).

Il a alors été proposé cette règle du jeu encore simplifiée par rapport à celle vu plus haut :

Il y a 3 possibilités pour la dernière graine :
1) Elle peut tomber dans une case vide, dans ce cas le tour de jeu s’arrête.
2) Elle peut tomber dans une case non vide face à laquelle il y a des graines, dans ce cas on prend ces graines et on les sème à partir d’un tibong de son choix, vers l’intérieur.
3) Elle peut tomber dans une case non vide de la rangée extérieure, ou face à laquelle il n’y a rien. Dans ce cas on recommence le semis mais avec ses propres graines, et à partir de la case voisine (en gardant le sens de semis).

Pour démarrer un tour de jeu, on prélève une graine dans sa réserve et on la place dans une case non vide de sa rangée intérieure, en privilégiant le cas (2). Si on ne peut pas, alors

  • soit on a des graines sur la rangée intérieure, et on fait comme dans le cas 3, mais on ne prend aucune graine à l’adversaire au cours de ce tour, même si à un moment, la dernière graine tombe dans une case non vide en face de laquelle il y a quelque chose.
  • soit la rangée intérieure est vide. Dans ce cas on ne peut plus jouer et on est kamo : on a perdu.

On ne prend pas de graines de la rangée extérieure, et on ne prend pas de graines depuis la rangée extérieure.

Si, une fois que chaque joueur a joué 26 fois, personne n’est kamo, le gagnant est celui qui a le plus de graines dans ses deux rangées.

Ces règles ont été élaborées avec un élève de GS. Elle sont cohérentes à la fois avec la description de Flacourt et celle de Dandouau, les règles sur le rôle spécial du tibong étant un corollaire de celles données ici. Par exemple, si un semis s’arrête sur un tibong, il n’y a plus à distinguer les deux cas une graine en face et plusieurs graines en face : s’il y a plusieurs graines en face, on les sème à partir du tibong (ou de l’autre tibong) comme l’écrit Dandouau. S’il n’y a qu’une seule graine en face, on la sème à partir du tibong, c’est-à-dire qu’on la met dans le tibong. Mais dans ce cas, on finit un semis dans un tibong non vide, donc on recommence. Et comme on vient de prendre la graine qui était en face, on est dans le cas (3) : on prend les graines du tibong et on les sème à partir de la case voisine.

Ce jeu est plus complexe (par ses règles) que le katro, parce que, si la manière de semer dans le katro est complexe en GS (plus que celle du fifangha dans le cas 2), elle est quand même présente dans le cas 3 du fifangha. Le jeu de fifangha est compréhensible en GS (en milieu d’année scolaire) mais injouable quand même, de par sa durée. Même sur un plateau 4×4 le jeu peut durer très longtemps (temps infini ?) alors que les élèves de cycle 1 sont habitués à des jeux courts comme le Hex ou le jeu de Lewthwaite.

De fait, la longueur du jeu est la conséquence de son caractère récursif. On propose alors d’enlever le « on recommence » et on obtient un jeu bien plus court (quoique moins intéressant) où chaque joueur ne joue que 26 fois, mais des coups courts :

Pour commencer un tour de jeu, on prélève une graine dans sa réserve et on la met dans une case non vide de sa rangée intérieure (si on ne peut pas, c’est qu’on est kamo). Puis on prélève les graines qui sont en face et on les sème à partir d’un tibong, vers l’intérieur du plateau. S’il n’y a pas de graines en face, on sème les siennes, à partir de la case voisine (de gauche ou de droite, au choix). Si le semis passe par un tibong, on continue dans la rangée arrière.
Une fois que chaque joueur a joué 22 fois, le gagnant est celui qui a le plus de graines.

Cette variante simplifiée non récursive peut aussi se jouer sur un plateau 4×6 (chaque joueur joue 20 fois) ou 4×4 (chaque joueur joue 14 fois)


[1D’ailleurs Flacourt parle de seconds chibons pour désigner les kimbi du bao, qui servent à décrire le sens de semaille (depuis un tibong vers l’intérieur)

[2Chaque joueur ne joue donc que 26 tours au maximum.


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