Le facteur de Mafate

dimanche 13 novembre 2016
par  François BARBÉ

Thème et but du jeu

En tant que facteur de Mafate, vous devez passer par un certain nombre d’ilets (habitations de montagne, se prononce « ilette ») pour distribuer votre courrier.

Le jeu consiste à construire le seul chemin possible en mettant les ilets donnés (ou « tours » de 1 à 10 étages) dans le bon ordre, sachant qu’il faut aussi les relier entre eux par un certain nombre d’escaliers ayant des hauteurs spécifiques (de 1 à 9 étages, devant représenter le passage ou la différence d’étages d’une tour à une autre).

Le jeu, ses intérêts pédagogiques

Le facteur de Mafate est un casse-tête numérique, ou puzzle de nombres. Il est autovalidant et présente une large progressivité dans les difficultés des défis. Il se joue seul ou à plusieurs. J’ai réalisé une dizaine de prototypes par impression 3D (plastique) et aussi en version 2D (planchettes cartonnées).

Au cycle 1 : dès la Moyenne Section de l’école maternelle, et jusqu’au cycle 2 : CP-CE1-CE2
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Construire les premiers outils pour structurer sa pensée :
 Construire la dizaine.
 Identifier des astuces de résolution appartenant au principe d’organisation d’un arbre de décision.
Explorer le monde. Se repérer dans l’espace :
 Situer des objets entre eux, par rapport à des objets repères.
 Utiliser des marqueurs spatiaux adaptés (à droite, à gauche, entre).
L’élève exécute un véritable calcul additif en construisant le chemin du facteur via la manipulation des escaliers. Car ceux-ci représentent le passage d’un nombre à un autre et matérialisent ainsi le mécanisme de la transformation additive (par exemple « + 4 » ou « – 7 »). Avec ce matériel, l’élève découvre les nombres jusqu’à 10 et leurs utilisations, il compose et décompose les quantités. Il explore des formes, des grandeurs, en une suite organisée. Le chemin du facteur est à construire, et chaque déplacement d’une tour entre deux autres selon un axe horizontal (x) induit de nouvelles relations entre elles : des écarts en unités de hauteur selon un axe vertical (y). En effet, chaque tour possède une hauteur différente (en nombre d’étages variant de 1 à 10). Cette différence de hauteur nécessite à chaque fois un des escaliers compris entre 1 et 9 étages.
Au cycle 2 : CE1-CE2 et jusqu’au cycle 3 : CM1-CM2-6e + collège
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Problème de recherche et élaboration d’une méthode de résolution : identifier le principe d’organisation d’un arbre de décision :
 Développer la logique et structurer le raisonnement.
L’élève va être progressivement porté vers la recherche de la méthode la plus efficace, il pourra collaborer avec d’autres élèves à cette fin. En effet, différentes méthodes peuvent être mises à jour : partir de l’examen des relations possibles autour d’une tour, ou bien à partir d’un escalier. Les élèves seront aussi amenés à utiliser une méthode de déduction logique par arbre de décision (voir document annexe « Un exemple de défi et sa méthode de résolution » explicitant comment suivre des chemins de relations nécessaires, au fur et à mesure de la vérification d’hypothèses). Le joueur, pour gagner à un niveau de difficulté élevé, sera en effet amené à faire la distinction entre une relation nécessaire de deux tours liées par un escalier (jugement apodictique) et une relation possible (jugement problématique). Partant de là, le joueur pourra avancer efficacement grâce à une méthode dans la résolution de défis de plus en plus complexes (et non plus au hasard).

Originalité et mécanisme du jeu

C’est un jeu ludo-éducatif qui a la spécificité, de par son mécanisme, de matérialiser la transformation additive, autrement dit, le passage d’un nombre à un autre, matérialisé par les escaliers (nombres dynamiques de transformation additive : par exemple « + 2 » ou « – 4 »). Dans la version 3D, ce sont de vrais escaliers sur lesquels l’enfant peut sentir et gravir les marches de ses doigts. Ainsi, le jeu développe le sens de la transformation additive chez l’enfant. Les tours, quant à elles, sont des éléments qui correspondent à des quantités statiques, ce sont des états numériques.

Le jeu permet aux élèves de réaliser des additions et soustractions selon une ligne temporelle, car le joueur avance dans une direction spécifique, d’un ilet de départ (état d’une hauteur numérique initiale) vers un ilet d’arrivée (état d’une hauteur numérique finale). C’est donc un véritable récit numérique qui se construit et permet de matérialiser, comme cela n’a jamais été fait auparavant, deux des quatre typologies de la classification des problèmes du champ additif selon Gérard Vergnaud, dans la limite des nombres allant jusqu’à 10 :

  • transformation d’un état ;
  • composition de transformations.

Une piste existe donc pour utiliser le matériel pédagogique créé à des fins de résolution de problèmes additifs typiquement scolaires : voir annexe « Les problèmes stratifiés ».

Travail et progression des apprenants

Pour la construction de la dizaine, le matériel pédagogique ainsi créé devient un support de référence pour l’élève, car il l’aide, dans une activité de recherche ludique et problématique, à passer d’une estimation visuelle et tactile des quantités à une image mentale de leur cardinalité, associée à leurs écritures chiffrées.

La réussite et l’entrainement dans les niveaux les plus simples motivent et familiarisent les élèves les plus en difficulté qui fortifient une démarche dite « prénumérique » par estimation visuelle des quantités. Le passage progressif à des niveaux plus difficiles les amène ensuite à mettre en mémoire des images mentales des quantités, associées aux chiffres, pour acquérir davantage de rapidité d’exécution.

Le jeu construit donc ce pont qui fait passer les élèves à un usage numérique (cardinal) des nombres. Les chiffres correspondants aux quantités sont indiqués sur chaque élément, et le dénombrement un à un de chaque nombre d’étages est aussi possible sur chaque tour ou escalier utilisés ; l’enfant peut ainsi se familiariser aux associations grandeur-quantité-chiffre.

Annexe 1 : Un exemple de défi et sa méthode de résolution

Version 3D du jeu, niveau 2 (sur 7) pour Grande Section de maternelle :

Exemple de procédé de résolution méthodique, par arbre de décision :

Notre méthode favorite consiste à partir du plus grand escalier, l’escalier de six étages (E6), pour trouver entre quelles tours il peut se placer : ici, la tour T7 de sept étages et celle T1 d’un étage. Nous continuons ce procédé en questionnant à chaque fois le placement possible des escaliers en les prenant un par un du plus grand au plus petit (les plus petits escaliers ayant souvent plus de possibilités de liaisons que les grands escaliers). Ainsi, dans cet exemple, nous parvenons à trouver la solution en avançant à chaque pas par des jugements nécessaires. Lorsque deux hypothèses ou plus se présentent, il faut les tester pour les confirmer ou les infirmer (dans ce cas, revenir au dernier jugement nécessaire).

En début de jeu, choisir une carte défi qui indique au joueur :

  • L’ilet de départ et l’ilet d’arrivée.
  • Les ilets à mettre en ordre pour constituer son chemin : les planchettes en carton (pour le jeu en 2D) ou les tours en plastique (pour le jeu en 3D).
  • Les escaliers à utiliser pour relier les tours (« ilets ») entre elles : les réglettes en bois de
    1 à 9 unités de hauteur (pour le jeu en 2D), ou les escaliers en plastiques (pour le jeu en 3D).

Un enfant de cinq ans (ci-dessous, au centre de l’image) réussit un défi de niveau 3 (sur 7), sans plus avoir besoin de l’adulte, après une progression sur environ quatre défis. Une partie dure entre cinq et quinze minutes (plus si la difficulté est trop importante). Le temps de motivation au jeu est en moyenne de 45 minutes. Cette image a été prise lors d’une présentation du jeu sur un stand au Festival international des jeux de Cannes en février 2016.

Cartes défis et liste du matériel utilisé :

Un ami programmateur est parvenu à établir un algorithme en langage Python de la mécanique de mon jeu. Ceci m’a permis de proposer aux joueurs des défis certifiés à solution unique.

Matériel nécessaire
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Le jeu en 2D (en carton et bois) :
 10 planchettes illustrées représentant chacune une tour ("ilet" ou "maison" mafatais, de hauteur allant de 1 à 10 étages.
 9 réglettes Cuisenaire représentant les escaliers de 1 à 9 étages reliant les tours entre elles.
 Un jeu de 84 cartes-défis de difficulté croissante.
Le jeu en 3D (en plastique, réalisé par impression 3D après l’avoir modélisé) :
 10 tours représentant chacune un des "ilets" mafatais.
 9 escaliers de 1 à 9 étages reliant les tours entre elles.
 Un jeu de 84 cartes-défis de difficulté croissante.

Annexe 2 : Les problèmes stratifiés

Le matériel créé permet d’exposer au regard un récit des deux types de transformations additives établies par le didacticien Gérard Vergnaud en distinguant et faisant apparaitre les éléments statiques et dynamiques de ceux-ci. En effet, la tour représente la quantité statique et l’escalier la quantité dynamique (de transformation/transfert/échange). Les problèmes de transformation se déroulent selon une chronologie mise ici en évidence sur une ligne de plateau, et les tours s’encastrent les unes sur les autres pour exprimer les problèmes statiques.

Auteur et designer

Barbé François, professeur des écoles en Grande Section à l’école Primat, Saint-Denis

« Le Facteur de Mafate » est un jeu éducatif en développement depuis mai 2015 ; il a été réalisé par impression 3D, puis en 2D pour faciliter son éditabilité. Je suis en recherche de supports financiers et de partenaires pour une possible édition à la Réunion. Si le jeu vous intéresse n’hésitez pas à me contacter. Une version de jeu en ligne est en cours d’élaboration.


Commentaires

Logo de Nicolas
lundi 14 janvier 2019 à 20h51 - par  Nicolas

Très bonne idée ! génial ! Bravo !

Logo de descombes sandrine
jeudi 29 décembre 2016 à 18h38 - par  descombes sandrine

Bonjour,
Juste pour vous dire que ce jeu est juste génial !

Bravo, bravo, bravo !

Bonne fêtes de fin d’année.