Logiques doxastique et du mensonge

version duale du paradoxe d'Épiménide

Raymond Smullyan, spécialiste de Gödel, a suivi ce dernier dans sa quête de la logique doxastique. Or, selon Wittgenstein, ce qui distingue la logique doxastique (celle des croyances) de la logique épistémique (celle du savoir), c’est qu’il est possible de croire en une proposition fausse. Ainsi, comment distinguer

  • un menteur sain qui sait que 2+2 n’est pas égal à 5 mais prétend que 2+2 est égal à 5,
  • un fou honnête qui dit que 2+2 est égal à 5 parce qu’il en est convaincu ?

Ainsi, si on définit un menteur comme quelqu’un qui ne dit pas la vérité, et sachant qu’on ne peut pas dire la vérité si on ne connaît pas la vérité, nous sommes tous des menteurs puisqu’aucun de nous ne connaît la vérité. Saint-Paul fait d’ailleurs allusion à ce phénomène dans son épître à Tite (qu’il envoie en Crète) :

11 Il faut fermer la bouche à ces gens qui, pour faire des profits malhonnêtes, bouleversent des maisons entières, en enseignant ce qu’il ne faut pas.

12 Car l’un d’entre eux, un de leurs prophètes, l’a bien dit : Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, gloutons fainéants !

13 Ce témoignage est vrai. Pour cette raison, réfute-les vigoureusement, afin qu’ils retrouvent la santé de la foi,

14 au lieu de s’attacher à des récits légendaires du judaïsme et à des préceptes de gens qui se détournent de la vérité.

15 Tout est pur pour les purs ; mais pour ceux qui sont souillés et qui refusent de croire, rien n’est pur : leur intelligence, aussi bien que leur conscience, est souillée.

Smullyan (ou plutôt, ses traducteurs en français) rebaptise Puropira l’île de Crète, purs ceux qui ne mentent jamais (ce qui suppose qu’ils sont omniscients) et pires ceux qui ne disent jamais la vérité.

En Python

Pour résoudre des problèmes de Smullyan, on peut utiliser le script Python que voici :

purs = { X: False for X in 'ABC'}
V = (False,True)
tab = {False: ' est un pire', True: ' est un pur'} 
dit = lambda X,p: purs[X]==p
def dit_solution(obj):
        texte = ""
        for  X in obj:
                texte += X + ' est ' + tab[obj[X]] + '\n'
        return texte

Par exemple, voici son premier problème :

Albert, Bernard et Charles sont dans un jardin. Un passant demande à Albert : « êtes-vous un Pur ou un Pire ? ». Albert répond mais le passant n’entend pas bien la réponse ; alors il demande à Bernard « qu’est-ce qu’il a dit ? ». Bernard répond : « il a dit qu’il est un Pire ». Mais Charles dit alors « ne croyez pas ce que dit Bernard, il ment ».

On traduit cela ainsi :

  • B dit que A dit que A est un pire
  • C dit que B est un pire
  • C dit que A ne dit pas que A est un pire

Ce qui, en Python, se modélise ainsi :

for a in V:
    purs['A'] = a
    for b in V:
        purs['B'] = b
        for c in V:
            purs['C'] = c
            if dit('B',dit('A',not purs['A'])) and dit('C',not purs['B']) and dit('C',dit('A',purs['A'])):
                print(dit_solution(purs))

Avec ces fonctions, on trouve deux solutions :

A est est un pire
B est est un pire
C est est un pur

A est est un pur
B est est un pire
C est est un pur

ce qui permet de conclure que Bernard est un pire (Bernard ment) et que Charles est un pur (Charles dit vrai) mais ne permet pas de conclure sur la nature d’Albert. Comme le remarque Smullyan, on dispose de deux affirmations (1 bit d’information chacune) ce qui apporte une information sur la situation décrite, égale à 2 bits (trancher entre 4 possibilités). Or pour connaître la nature des trois personnages, il faudrait 3 bits d’informations, il était donc prévisible que l’on ne puisse prédire que la nature de deux des personnages.

Logique doxastique

L’équivalent du théorème de Gödel en logique doxastique est ce sketch : deux étudiants sont en avance et entrent dans un amphi vide sur le tableau duquel ils voient cette inscription :

Seul un imbécile peut croire en la présente phrase.

Le premier demande au second s’il croit ce qui est écrit au tableau. Le second lui répond : Non, seul un imbécile peut y croire !

Une autre version se passe sur l’île de Puropira, où on rencontre un habitant disant : Tu ne croiras jamais ce que je suis en train de te dire.

  • S’il est un pire, il ment ce qui veut dire que je crois ce qu’il dit. Mais je crois alors en quelque chose de faux.
  • S’il est un pur, il dit la vérité, mais je ne crois pas en quelque chose de vrai.

Je ne peux donc être à la fois omniscient et cohérent, c’est en substance ce que raconte le théorème de Gödel.

Autres logiques modales

Le livret ci-dessous est une collection de petits articles sur les algèbres de Boole, ainsi que les logiques épistémique et doxastique mais aussi, déontique :

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