Le jeu Fafy (et, ici, sa version impartiale) est un jeu (de semaille) à deux joueurs, où n’intervient pas le hasard, dont une partie typique dure peu de temps (environ une minute) et dont la règle est simple.
Matériel nécessaire
Le plateau de jeu est un alignement de cases ou de cupules, et les pions sont des cailloux, des billes ou des graines (éviter que les enfants aient envie de les ingérer !). On peut donc jouer à fafy sur la plage, en alignant des creux dans le sable et avec des coquillages ou des galets :

On peut aussi utiliser de la craie pour dessiner une grille de cases (comme la marelle, mais avec seulement un alignement de cases) et jouer avec des billes posées dans les cases :

On peut aussi, comme dans la région des grands lacs, creuser des trous alignés dans le sol et jouer avec des graines, ou utiliser seule la moitié d’un plateau d’awalé avec des graines ou des billes (ici, des graines de haricot que les enfants n’aiment pas et ne risquent pas trop de mettre dans la bouche) :

On peut aussi jouer en intérieur, par exemple en dessinant une grille sur une feuille, et en posant des jetons dans les cases. Ou en constituant le plateau de jeu par un alignement de godets ou de soucoupes, avec des graines :

ou des billes :

Ce matériel (billes dans des soucoupes ou des barquettes) est d’ailleurs intéressant pour d’autres activités sur les nombres (construction du nombre en CP, ou fractions en CE).
Enfin, il est même possible de jouer à fafy avec des cartes, disposées ainsi (dos en l’air, par piles alignées) :

Ma préférence personnelle va à la grille dessinée sur une feuille et aux jetons dans les cases, car les jetons peuvent être empilés ou non : en jouant, on a souvent besoin de dénombrer les graines/pierres/billes/cartes/jetons.
Règle du jeu
Les deux joueurs se mettent d’accord sur une disposition initiale des graines (par exemple, une graine par case). Ensuite chacun son tour
• choisit une case non vide (il y a au moins une graine dedans),
• met dans sa main toutes les graines que contient cette case (de sorte que la case est désormais vide),
• puis sème les graines, une par une, à partir de la case voisine, vers sa droite.
Si, lors du semis, une graine sort du plateau ou tombe dans une case vide, le jeu est perdu (plus précisément, le premier qui ne peut plus semer sans qu’une des graines tombe dans une case vide ou sorte du plateau, est bloqué et donc perdant).
Par exemple ce jeu à 9 graines ne permet qu’un seul coup de jeu : semer les deux graines de gauche vers la droite, ou les deux graines de droite vers la gauche :

Ce genre de situation (jeu trop simple voire injouable) est fréquent lorsque les enfants veulent mettre beaucoup de graines, comme ici où seules les deux graines (sur un total de 18 !) sont semables, et encore, uniquement vers la droite :

Le jeu fafy, créé par un élève de GS, devrait a priori être facilement jouable en CP. Il permet de faire le lien entre les représentations cardinale et ordinale des nombres, et fait pratiquer des soustractions (par exemple, ci-dessus, je soustrais à 4 – numéro de la dernière case – le nombre 2 – nombre de graines dans la deuxième case – pour voir que le semis ne sort pas du plateau, et que donc cette case est jouable). Mais le point difficile de la règle du jeu est sème les graines, une par une, à partir de la case voisine, vers sa droite : ne peut jouer à ce jeu, qu’un élève déjà latéralisé, et ça, c’est de plus en plus rare en CP (le créateur du jeu était un des rares élèves latéralisés en GS à l’époque). D’où l’idée qui m’est venue, de simplement enlever cette partie de la règle du jeu, pour aboutir à la
Règle du fafy impartial
Les deux joueurs se mettent d’accord sur une disposition initiale des graines (par exemple, une graine par case). Ensuite chacun son tour
• choisit une case non vide (il y a au moins une graine dedans),
• met dans sa main toutes les graines que contient cette case (de sorte que la case est désormais vide),
• puis sème les graines, une par une, à partir de la case voisine, dans le sens de son choix.
Si, lors du semis, une graine sort du plateau ou tombe dans une case vide, le jeu est perdu.
Exemple de partie
Les deux joueurs s’appellent respectivement Sud et Nord. Ils se font face, avec entre eux ce plateau de 12 graines (configuration inventée par un astrophysicien) :

Sud commence, et choisit de semer vers la droite une graine (on peut ne semer qu’une graine du moment que la case voisine n’est pas vide) vers le milieu du plateau :

C’est maintenant à Nord de jouer. Nord décide de semer (vers la gauche) deux graines :

Pour l’instant seules les trois premières cases (en encore, pas la deuxième) sont encore jouables : le jeu est décomposé en trois blocs, or le bloc du milieu (deux cases à 3 graines) est bloqué (c’est un bloc bloqué !) parce qu’entouré de cases vides, et la case de droite est bloquée aussi parce qu’à sa gauche il y a une case vide et à sa droite il y a l’extérieur du plateau. Sud a donc deux choix :
- semer vers la gauche les deux graines de la troisième case,
- semer vers la droite l’unique graine de la première case.
C’est ce choix qui est fait :

C’est à Nord de jouer, mais Nord ne peut pas semer, depuis aucune case non vide, sans qu’au moins une graine tombe dans une case vide ou quitte le plateau : Nord a perdu.
En fait, dans ce jeu, Sud a mal joué au premier coup, et si Nord a perdu, c’est parce que Nord aussi a mal joué : en semant vers la droite les deux graines de la case centrale, Nord eût bénéficié d’une stratégie gagnante !
Vers un tournoi de fafy impartial
Avec du matériel disponible en grande quantité, on peut faire jouer toute une classe de CP (voire après !) : pour une classe de 24 élèves, il faut une centaine de jetons (ou graines ou billes ou cartes etc.) et 12 plateaux de jeu (dessin d’une grille sur une feuille A4) comme par exemple celui-ci, dessiné au tableur (les élèves peuvent aussi vouloir dessiner eux-mêmes la grille) :
Ensuite, chaque pair de joueurs se voit remettre une dizaine de jetons, puis Sud (par exemple) pose certains de ces jetons (pas forcément tous) à sa guise dans le plateau.
Une fois que les graines sont posées par Sud, Nord va appliquer la règle du gâteau : c’est Nord qui décide qui joue en premier : autrement dit, si Sud a disposé les jetons de telle manière que la victoire soit trop évidente pour celui qui joue en premier, Nord décide de jouer en premier. Cela force Sud à disposer les jetons de manière relativement équitable.
Ensuite la partie se déroule selon la règle donnée plus haut, et au bout de relativement peu de temps, l’un des joueurs est bloqué alors que c’était à son tour de jouer : ce joueur est perdant.
Après ce premier tour de jeu, il y a 12 gagnants et 12 perdants. On organise alors un second tour où les 12 gagnants jouent entre eux, et les 12 perdants jouent entre eux (c’est la phase de repêchage).
Après le second tour, il y a 12 gagnants, qui ensuite seront les seuls à continuer à jouer (les autres arbitrent car le risque de triche est élevé ; d’ailleurs au cas où chaque joueur accuse l’autre de triche, on considère que la partie est nulle, ou plutôt que les deux joueurs ont perdu ; j’ai déjà vu des mauvais joueurs en CM 2 !).
Au troisième tour il n’y a donc plus que 6 tables de jeu. Et après le troisième tour il n’y a que 6 gagnants, qui seront les seuls à jouer au quatrième tour. On les regroupe alors en 3 tables de jeu, et à l’issue du quatrième tour il y aura 3 gagnants qui seront les gagnants du jour.
En effet, une partie de ce jeu dure environ une minute, et si on ajoute 4 minutes pour la répartition des joueurs à l’issue de chaque tour, le tournoi ne dure guère plus qu’un quart d’heure, ce qui permet de multiplier ces tournois.
Compétences travaillées dans ce jeu
En jouant à fafy impartial, on apprend à perdre (compétence travaillée dès le cycle 1) mais aussi
- la motricité fine (semer des graines ou distribuer des cartes, ce n’est pas si facile),
- la planification (recherche d’une stratégie gagnante),
- la latéralisation (même si le jeu est impartial, la droite de Nord correspond à la gauche de Sud),
- la botanique (d’où viennent ces graines, peuvent-elles germer ?)
- le dénombrement et le comptage des petits nombres (graines dans les cases, nombre de cases) voire des plus grands (le nombre total de graines est invariant, ce qui permet de détecter la triche),
- la géométrie (si on dessine la grille du jeu),
- les motifs,
- la statistique (le plateau de jeu est un histogramme).




Laisser un commentaire